L’empoisonneuse
La Voisin, estampe du XVIIème siècle
Et c’était son visage que Paul regardait maintenant sur la photographie en noir et blanc reproduite dans un livre sur les criminelles célèbres, et qui avait comme légende : Marie Auteuil, guillotinée en 1861. Le visage bien dessiné, les yeux immenses et écartés, le petit signe de naissance sous l’œil gauche, la bouche un peu trop grande. Les cheveux étaient tirés sur la nuque et tombaient en boucles douces, ils étaient bruns et épais, la robe semblait être en velours et un décolleté profond laissait deviner la racine des seins.
Mais, sans qu’il sût pourquoi, ce qui le troublait le plus était le collier travaillé, les longues boucles d’oreilles, qu’il reconnaissait parfaitement. Il les avait examinées avec admiration, le métal sombre, l’argent, or blanc ou peut-être platine, les petites pierres très vertes qu’elle lui avait dit être des émeraudes. Malgré l’absence de couleurs, il n’y avait pas de doute, les bijoux étaient identiques, le vieux collier que Marisa portait toujours, même pour dormir, comme s’il faisait partie de son corps, les boucles qu’elle mettait quelquefois, quand elle tirait ses cheveux en arrière et les attachait avec une barrette.
Avec une sensation de cauchemar, il lut les deux pages qui avaient trait à Marie Auteuil. Elle avait été jugée pour l’assassinat, à l’arsenic, de deux de ses amants, mais on suspectait qu’elle en avait empoisonné au moins quatre autres.