Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Le sanglier blanc

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 30 octobre, 2006 @ 12:37

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Le père de Fito n’avait jamais eu peur des vagabonds. Et jamais non plus il ne leur avait refusé un croûton de pain, de l’eau ou un coin pour dormir à l’abri. Mais chez Futingo il y avait, cependant, quelque chose de différent. Sa silhouette immense, sa voix rauque, la profondeur de ses yeux bleus… les choses qu’ils savait sur les vivants et les morts. Il en éprouvait une certaine terreur, mais aussi une forte attraction qui l’amenait à le recevoir, brûlant d’écouter ses histoires. En effet, ce n’était pas souvent que quelqu’un se risquait à traverser ces sommets pour pénétrer en Galice ou pour en sortir. Et personne ne l’aurait fait comme lui au plus dur de l’hiver.
- Entre. Viens près du feu, lui dit-il en le voyant à la porte.
Fito le regarda avec de grands yeux. Sa silhouette imposante avançait vers l’intérieur de la palloza, il posait son bâton et laissait sur le seuil le sac de vêtements qu’il portait sur son épaule.
- Il y a longtemps qu’on ne vous voyait plus, dit encore son père.
- Oui, bonne nuit à tout le monde.
Sa grand-mère, ses parents et ses frères étaient assis autour du feu. Le nouveau venu prit place sans se pencher beaucoup vers les flammes, tout en défaisant ses vêtements chauds.

Fito se souvenait des années précédentes et gardait comme des trésors quelques pages illustrées qu’il avait laissées, où l’on racontait l’histoire d’un jeune garçon des pays du soleil couchant, donc très lointains, où les terres aussi se diluaient dans les eaux de la mer. Pour Fito, qui avait lu des milliers de fois ces bouts de papiers, le mystère commençait dans cette mer incompréhensible, et continuait sur les terres et dans le soleil qui plongeait dans cette mer. Il n’était pas autrement surpris qu’il y ait dans l’histoire un garçon, Álvaro, dont on avait découvert qu’il était né des eaux, et qui connaissait tout du monde sous-marin et pouvait s’entendre avec tous les êtres merveilleux qui l’habitaient.

Ce personnage errant l’avait fasciné. [...] Futingo, lui, avait les yeux ouverts sur le monde. Il parlait de la mer et des champs de blé qui étaient semblables à d’autres mers où l’on arrivait, selon l’endroit vers où on dirigeait ses pas dans les pics des Ancares qui – disait-il – ne sont pas les plus hauts du monde, bien qu’à son avis ils soient les plus beaux.
Fito, pour le moment, mourait d’envie d’écouter ses romances. Et cette nuit avait été très spéciale. D’abord, il avait parlé de terribles événements qui s’étaient produits en terre de Burgos, les disant tout à fait comme s’il chantait :

 

- Messieurs et mesdames,
Je veux vous conter aujourd’hui,
L’histoire d’une jeune fille
Qui mourut avec sa soeur,
Poignardée en plein coeur
Alors que naissait l’aurore…

Et après avoir beaucoup parlé, alors que déjà seuls son père et lui se tenaient éveillés à l’écouter, Futingo sembla sur le point de disparaître dans la fumée d’un tison qui tomba en tournoyant à ses pieds pendant que le feu s’éteignait. Ses yeux bleus inondés de mystère, luisants dans l’obscurité, se fixèrent sur le garçon :
- Il nous faut aller à la chasse. Un être fabuleux parcourt ces terres à ta recherche. Il est grand et féroce. On a peur rien que d’y penser, tant on l’imagine gigantesque. Tu ne peux pas lui échapper. Mais nous rassemblerons tous les hommes que nous pourrons pour t’accompagner.

Tucho Calvo, O xabaril branco, ed. La Voz de Galicia (traduit du galicien).

 

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palloza

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2 commentaires »

  1. souvenirs19 dit :

    Texte avec quelque chose …d’envoûtant…
    Bon dimanche Lusina
    Cordialement

    Dernière publication sur Je me SOUVIENS... : FRERES ennemis etc...

  2. lusina dit :

    Oui, je trouve aussi… La Galice est magique.

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