Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour décembre, 2006

Un mythe

Posté : 21 décembre, 2006 @ 9:01 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

 

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- Je veux modérer vos espoirs. Et je me sers pour ça d’une comparaison. Vous n’ignorez pas, sans doute, que Sherlock Holmes est une création du médecin écossais Conan Doyle et, si vous avez lu quelques livres de cet auteur célèbre, vous pensez certainement que l’excellence de déduction et l’observation perçante sont des vertus intrinsèques du personnage, lesquelles lui permettent de résoudre n’importe quelle affaire, pour abstruse qu’elle soit. Pourtant, il existe un phénomène de réception retardée du processus « Holmes », en Grande-Bretagne : les romans de Doyle ont atteint leur pic de popularité maximum au moment où la méthodologie de son détective était mise en cause en Autriche par un certain Hans Gross. Cet homme venait de créer l’embryon de ce que nous appellerions aujourd’hui la police scientifique, qui passe par la mise à disposition au service de l’enquête criminelle des moyens techniques les plus perfectionnés, c’est à dire, de ce que nous nommerions aujourd’hui la technologie de pointe. La police scientifique existe : un cheveu ou un fil de laine trouvé sur le lieu du crime peuvent identifier le type capillaire du criminel ou le pull-over qu’il portait quand il a commis son délit. Mais avez-vous vu un film, une série télévisée, un documentaire sur la chaîne Historia qui évoquait la figure de cet obscur criminaliste autrichien ? Pas moi. Vous avez vu, certainement, au cinéma ou à la télévision, plusieurs reconstitutions de Holmes, glosées sur les tons les plus variés, en train de débrouiller les affaires les plus incroyables au moyen de ses envolées déductives. Je veux dire : le cinéma et la télévision ont multiplié dans l’imaginaire des foules les effets que le roman a universalisés depuis longtemps d’une façon assez impressionniste. Il est sûr que les méandres de la police scientifique ont été dévoilés, surtout par les films américains. Mais cette divulgation est relativement récente, et reste mitigée. Le mythe de l’efficacité de Holmes, lui, ne cesse de grandir, après chaque film ou chaque série télévisée dont il est le personnage principal. Holmes peut parler au coeur de n’importe qui, contrairement à la technologie de pointe. C’est cet Holmes à visage humain que les gens croient rencontrer lorsqu’ils s’adressent à nous, oubliant qu’il est un être d’encre et de papier et nous des terriens de chair et d’os qui grattons souvent bien en-dessous du niveau minimum de dignité pour déterrer notre pain quotidien.

Júlio Conrado, Desaparecido no Salon du Livre, Bertrand, 2001

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interrogations

Posté : 20 décembre, 2006 @ 3:36 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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*

Acácia Resende pénétra sur le plateau en revenant de la cafétéria, où elle avait bu un café au lait corsé et mordu dans un pastel de nata très parfumé à la cannelle. En croisant deux électriciens qui traînaient des câbles elle fut un peu gênée par son sac à main et la serviette où elle transportait le scénario du film et autres paperasses.
Puis elle se dirigea vers un recoin relativement isolé où elle se mit à consulter l’agenda des rendez-vous. Toutefois, son attention la fuyait et elle avait des difficultés à se concentrer. Quelle malédiction, de ne pas être capable de sortir de soi-même ! D’ailleurs, tout bien considéré, personne n’y parvenait : un sage quelconque avait dit, tout à fait judicieusement – qui était-ce ? un philosophe ? peut-être Condillac ? – que pour autant que nous allions vers le haut ou vers le bas nous sommes toujours au même endroit parce que nous ne sortons jamais de nos sensations… Elle faisait un métier qu’elle aimait, sans aucun doute, écrire des histoires ou des essais basés sur les expériences de la vie, dans un cas comme dans l’autre elle était en rapport avec des êtres humains – ou plutôt, avec des personnages, certains inventés et d’autres réels, mais étaient-ils vraiment inventés, les personnages inventés ? Et les réels, étaient-ils vraiment réels ? Les personnages inventés dans ses romans, est-ce qu’elle n’allait pas les chercher dans la réalité, les composant d’astucieux petits morceaux des gens réels qu’elle avait connus, à commencer par elle-même ? Et les personnages réels dont elle donnait l’histoire en exemple dans ses études et ses thèses de psychosociologie, ne finissaient-ils pas par devenir « autres », un peu déformés sinon même défigurés, et par conséquent irréels, quand elle se servait seulement des traits qui lui convenaient le mieux pour sa démonstration ?

António de Macedo, As furtivas pegadas da serpente, Caminho, 2004

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Afonso Henriques: de la ruse

Posté : 18 décembre, 2006 @ 11:09 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Et autant il était au début très farouche, autant ensuite il se mit par la grâce de Dieu beaucoup à son service, car en son temps, quand il était jeune homme, il ne connaissait pas du tout Dieu et ne savait même pas qu’il existait, car il était alors si entreprenant et si hardi qu’il ne trouvait personne qui le fût autant que lui, aussi bien dans les armes que dans tout le reste. Après cela, à cause du péché et du mal qu’il avait fait sa mère en la mettant aux fers, il se cassa une jambe à Badajoz, qu’il avait prise à des Maures. Et cela se passa ainsi :
Quand le Roi dom Fernando de León sut que le Roi du Portugal avait pris Badajoz, qui était sur son territoire parce qu’il l’avait conquise, il rassembla une grande armée et marcha sur lui, et les vassaux du Roi dom Afonso lui dirent alors:
« Sire, voici que nous arrive le Roi dom Fernando de León avec une grande armée. »
Le Roi dom Afonso dit alors avec grand orgueil : « Armons-nous et sortons lui livrer bataille. »
Et quand le Roi dom Afonso fut armé et monté à cheval, il éperonna sa monture fort gaillardement, et au moment où il sortit par la porte, il heurta le verrou avec la jambe, et il sortait si vigoureusement qu’il se cassa la jambe et alla aussitôt choir dans un champ de seigle. Et dom Fernan Rodriguez le Castillan qui le vit tomber de cheval alla sur l’heure le dire au roi Fernando :
« Sire, le Roi dom Afonso gît avec une jambe cassée, faites-le prisonnier car il a encore peu de gens avec lui. »
Et le Roi dom Fernando le fit prisonnier sur-le-champ. Et il donna aussitôt au Roi dom Fernando tous les châteaux qu’il avait pris en Galice, et fit promesse et serment que lorsqu’il remonterait à cheval il irait rejoindre le Roi dom Fernando où qu’il fût, et s’en retourna ensuite à Coimbra. Et il ne voulut jamais plus monter à cheval de tous les jours de sa vie jusqu’à ce qu’il meure. Et il allait dans une charrette, et quand il mourut l’ère comptait mille deux cent vingt-trois ans.

Crónicas Breves de Santa Cruz de Coimbra

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changement

Posté : 17 décembre, 2006 @ 4:22 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Praia

En ce temps-là ce qui m’attirait le plus à Praia, c’était le plaisir d’être avec Lídia. Si j’ai le temps j’en parlerai encore en détail, elle le mérite bien. Mais ce qui est sûr, c’est que de temps en temps je m’armais de courage pour affronter les moustiques et la chaleur étouffante de la capitale et les odeurs des rues sales pour rendre visite à Lídia, à sa table et à son lit. Or, il se trouvait qu’il y avait déjà des mois que je ne savais plus rien d’elle, parce qu’aucun de nous deux ne se préoccupait de donner des nouvelles à l’autre dans les intervalles entre nos rencontres, mais voilà que j’arrive en ville et qu’elle me dit très candidement et avec un grand sourire amusé, comme si ça pouvait être une bonne nouvelle, que, contrairement à toutes ses habitudes que je connaissais bien, elle avait permis à quelqu’un, un homme, imagine ! de se réveiller dans son lit et qu’ils étaient à présent en train de faire l’expérience d’une union de fait pour voir s’il pourrait en résulter un enfant qu’il étaient tous deux désireux d’avoir.
Je comptais toujours sur Lídia pour tuer le temps long de Praia où en réalité je connaissais très peu de gens, et cette vie de couple imprévue se révéla plus que désastreuse pour mes intérêts particuliers.
Il ne m’est jamais passé par la tête qu’une femme comme toi pouvait faire une bêtise de cette nature, lui dis-je avec aigreur, mais Lídia fut suffisamment intelligente pour s’apercevoir de ma consternation. Je suis encore loin d’avoir épuisé le lot d’âneries auquel j’ai droit en tant qu’être humain, riposta-t-elle, et de toute façon tu y gagnes parce que tu as une nouvelle famille qui t’invite à dîner ce soir chez elle, comme ça tu vas connaître le susdit, je ne résiste pas à savoir ton opinion sur sa personne.

Germano Almeida (Cabo Verde), As memórias de um espírito, Caminho, 2001

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inquiétude

Posté : 16 décembre, 2006 @ 12:27 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Sorcière

Les gens heureux n’ont pas d’histoire. Mais un soir d’automne quelque chose arriva qui vint troubler le calme, agiter le temps, réveiller les fantômes endormis. Paul était seul dans la librairie, feuilletant un album de bandes dessinées, lorsqu’entra un homme grand. Il le reconnut immédiatement. Il portait une gabardine usée, peut-être la même que la première fois. Il avait beaucoup vieilli, les cheveux châtains étaient devenus blancs, mais les yeux étaient restés les mêmes, montrant une infinie lassitude. Paul resta assis au bureau, sentant un frisson lui parcourir le corps. L’homme s’arrêta à quelque distance de lui, ébaucha un faible sourire.
- J’avais peur de ne plus retrouver la librairie – dit-il avec son accent étranger.
Paul attendit. La voix indécise de l’homme poursuivit, il dit qu’il lui avait vendu un livre quelques temps auparavant et qu’il aimerait le récupérer, lui indiquant le titre et l’auteur.
Le jeune homme fit semblant de consulter un catalogue, puis murmura qu’il ne l’avait pas. L’homme fit un geste de la main, exprimant le découragement, mais sur son visage on lisait un certain soulagement.
- Je ne le retrouverai jamais.
Paul ne dit rien.
- Dans ce livre il y avait la photographie d’une femme… comme une gravure en noir et blanc… j’ai été longtemps obsédé par elle.
- Pourquoi ?
- Elle ressemblait beaucoup… à quelqu’un que j’ai connu.
Paul sentit un frisson de mort le parcourir. Comme la première fois, il souhaita que cet homme ne soit jamais entré dans sa librairie. Ou du moins qu’il soit reparti, vite, avant de provoquer un mal irréparable. Mais il demanda à voix basse :
- Quand ?
L’homme frissonna.
- Il y a longtemps.
- Longtemps…
- C’était ma femme.
Il se retourna et, les épaules tombantes, il se dirigea vers la porte. Paul ferma les yeux et lorsqu’il les rouvrit l’homme avait disparu. Il retint son envie de le suivre, de lui poser des questions. De connaître cette histoire. Et subitement il comprit que l’unique chose qu’il désirait, c’était rentrer chez lui, être avec sa femme et sa fille, s’assurer qu’elles allaient bien, ou simplement qu’elles existaient.

Ana Teresa Pereira, « Des fleurs pour une sorcière« , in Se eu morrer antes de acordar, Relógio d’Água, 2000

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Après la fin

Posté : 14 décembre, 2006 @ 2:30 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

 

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En fin d’après-midi, le téléphone sonna. Il sonna plusieurs fois, comme s’il n’y avait personne à la maison. C’était une journaliste qui tentait de recueillir son opinion sur un homme de lettres qui s’en était lui aussi allé manger les pissenlits par la racine. Malgré le froid, un soleil ironique narguait Copacabana. Dans un pays d’Afrique on avait découvert la plus vieille momie du monde. Mais quelle importance peuvent avoir les momies pour les cadavres ?
Le quatrième jour, il manqua un rendez-vous. Son éditeur, après plusieurs reports, l’attendait à deux heures dans son bureau climatisé dans un immeuble du centre. Bien loin de Copacabana. Ils devaient discuter de la réédition de ses anciens livres, et, bien sûr, parler du livre qu’il aurait dû être en train d’écrire pour qu’il soit publié avant la fin de l’année. Mais il n’y avait aucun livre de prêt. Même pas une ébauche mentale. Rien. Et à deux heures de l’après-midi, l’éditeur regarda la chaise vide en face de lui et dit, ce type, je vais le tuer.
Le cinquième jour, il y eut un appel de son médecin, qui avait passé un mois à voyager à travers l’Europe et avait oublié de l’informer que son cas était grave. Grave, non : alarmant. (Pas au point de retarder ses vacances, bien sûr). Mais c’était la faute de son patient, en l’occurrence. S’il avait été averti de son tragique destin, cela n’aurait rien changé. Son coeur aimait les récits courts, les fins subites.
Le sixième jour, le concierge frappa à sa porte, conformément à son rôle de concierge. La voisine s’était plainte d’une puanteur de gaz dans le couloir. Dans un autre appartement du quartier, un autre écrivain réfléchit à deux fois avant de l’appeler pour lui demander de participer à une table ronde dans une faculté de Gávea. Il pesa bien les conséquences et se souvint que, la dernière fois qu’il l’avait invité à manger chez lui, il l’avait surpris en train de passer la main sur les fesses de son épouse à la cuisine. Le débat traiterait des conteurs brésiliens contemporains. C’était l’un des meilleurs, il lui fallait l’admettre. Mais sa femme, qui n’avait rien dit de l’incident de la cuisine, serait là. Avec ses fesses. Non. Il n’exposerait jamais les fesses de sa femme à la main de celui qu’il considérait comme un grand conteur urbain du Brésil. Et qu’était un conte comparé à des fesses ?
Le septième jour, un soleil métallique refléta sur Copacabana la lumière irréelle de ses yeux aveugles. Les survivants continuèrent de tisser leur aimable routine le long de l’abîme. L’écrivain était toujours allongé là sur le sol.

Mauro Pinheiro, A primeira semana depois do fim, http://www.releituras.com/

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Synonymes

Posté : 8 décembre, 2006 @ 3:43 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

 

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(alexandre)

 

 

La première fois que le mot arabe a été écrit – ou plus précisément inscrit – ce fut pour désigner un nomade monté sur un chameau; c’était en 853 avant Jésus-Christ, quand Jundub et plus de mille chameliers s’unirent à Israël et Aram contre les armées assyriennes.
Les historiens ignorent qui fut exactement ce Jundub et quelle est l’origine des redoutables Arabes; les Juifs les considèrent comme des descendants d’Ismaël, aîné d’Abraham et frère d’Isaac. Grecs et Phéniciens tombaient d’accord pour dire qu’ils étaient les fils de Cadmos. Les Égyptiens : qu’ils germèrent des sables éclaboussés par le sperme d’Osiris. Les Perses : qu’ils étaient les excréments d’Ahriman.
Pour les Arabes, se définit comme arabe celui qui possède l’arabe comme langue maternelle. En vertu de ce principe, ceux-ci forment un peuple unique bien que divisé en centaines de tribus et en lignages d’arabes purs et impurs qui ne descendent pas nécessairement d’un ancêtre commun.
Pour les Arabes de l’Âge de l’Ignorance, les tribus issues des douze fils d’Ismaël n’étaient pas arabes au sens strict du terme. Elles avaient été arabisées par les véritables Arabes, originaires du Yémen, de qui ils tenaient la langue et dont ils avaient adopté les coutumes.
Les légendes parlent d’un certain Yarub qui fut le premier à occuper les montagnes du sud et le premier à faire transhumer des troupeaux de chèvres, à faire brûler de l’encens et à préparer l’infusion que nous appelons café.

(more…)

Angoisse

Posté : 8 décembre, 2006 @ 2:12 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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- Tout le monde a ses secrets, disait grand-mère Gertrude.
Et ils la croyaient, parce qu’ils étaient ses petits-enfants et qu’on voyait clairement qu’elle devait en avoir beaucoup. Elle savait des bénédictions, elle prononçait des mots que personne d’autre ne connaissait, et, surtout, elle penchait la tête sur son propre sein obscur où défilait la lente broderie, en silence, lorsque les questions étaient très importantes. C’était ce geste de pythonisse en refus qui faisait que ses petits-enfants lui attribuaient le plus haut degré de respect. Ils savaient peu de chose d’elle, les enfants. Et les parents aussi se taisaient. Surtout quand la curiosité était dirigée vers le grand-père mort. Il restait de lui un portrait primitif, en noir et blanc, recouvert d’une vitre perpétuellement empoussiérée. De temps à autre, la vieille – principalement l’hiver – se levait et crachait dessus.
- C’est sale, disait-elle.
Puis, en tirant sur la manche noire de sa veste tricotée, elle essuyait sa propre salive et la poussière qui s’était accrochée au cadre.
C’est pour toutes ces raisons que Manuella ne trouva pas étrange, lorsque elle entra subitement dans la maison d’à côté, que le voisin lui demande de se taire. Même si elle avait vu la voisine le crâne ouvert, sur le sol de la cuisine ; un morceau de pâte à pain encore chaud dans la main, et les yeux étonnés qui regardaient le plafond.
- Chhhhhhhhhut… lui dit-il, souriant, la hache encore à la main, levant son long doigt blanc vers ses lèvres – C’est un secret. Il ne faut pas le dire.
Elle ravala son cri et baissa la tête, en signe d’acquiescement, et jusqu’au jour où il avait pris congé de tout le monde chargé de messages et de bons vœux de rétablissement pour sa femme absente pour maladie, elle était restée silencieuse.
Ce ne fut que lorsqu’elle commença à rêver de la voisine morte et à imaginer qu’elle lui apparaissait pour de longues conversations, assise au pied du lit avec son crâne ouvert qui n’avait pas l’air de l’incommoder, que Manuella demanda à sa grand-mère :
- Mémé : les secrets, on les garde toujours ?
La vieille la regarda avec des yeux qui ne voyaient déjà plus les choses réelles et répondit :
- On garde toujours tout, ma fille. Même ce qu’on ne veut pas.
C’est ainsi que Manuella se tut, même si elle sentait ses pieds se glacer chaque fois qu’elle pensait voir un homme aux yeux clairs l’épier près de l’escalier de l’école, où deux sœurs vierges faisaient paître leur troupeau de petites filles.

Possidónio Cachapa, O mar por cima, Oficina do Livro, 2000.

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