changement
Praia
En ce temps-là ce qui m’attirait le plus à Praia, c’était le plaisir d’être avec Lídia. Si j’ai le temps j’en parlerai encore en détail, elle le mérite bien. Mais ce qui est sûr, c’est que de temps en temps je m’armais de courage pour affronter les moustiques et la chaleur étouffante de la capitale et les odeurs des rues sales pour rendre visite à Lídia, à sa table et à son lit. Or, il se trouvait qu’il y avait déjà des mois que je ne savais plus rien d’elle, parce qu’aucun de nous deux ne se préoccupait de donner des nouvelles à l’autre dans les intervalles entre nos rencontres, mais voilà que j’arrive en ville et qu’elle me dit très candidement et avec un grand sourire amusé, comme si ça pouvait être une bonne nouvelle, que, contrairement à toutes ses habitudes que je connaissais bien, elle avait permis à quelqu’un, un homme, imagine ! de se réveiller dans son lit et qu’ils étaient à présent en train de faire l’expérience d’une union de fait pour voir s’il pourrait en résulter un enfant qu’il étaient tous deux désireux d’avoir.
Je comptais toujours sur Lídia pour tuer le temps long de Praia où en réalité je connaissais très peu de gens, et cette vie de couple imprévue se révéla plus que désastreuse pour mes intérêts particuliers.
Il ne m’est jamais passé par la tête qu’une femme comme toi pouvait faire une bêtise de cette nature, lui dis-je avec aigreur, mais Lídia fut suffisamment intelligente pour s’apercevoir de ma consternation. Je suis encore loin d’avoir épuisé le lot d’âneries auquel j’ai droit en tant qu’être humain, riposta-t-elle, et de toute façon tu y gagnes parce que tu as une nouvelle famille qui t’invite à dîner ce soir chez elle, comme ça tu vas connaître le susdit, je ne résiste pas à savoir ton opinion sur sa personne.
Germano Almeida (Cabo Verde), As memórias de um espírito, Caminho, 2001