opportunistes
(Photo cédée par Silva Carriço)
peu à peu ma mère avait pris l’habitude de critiquer sans arrêt la révolution,
ça ne va pas tarder, chacun à sa place
une habitude, les habitudes sont si difficiles à perdre, dans les réunions du jeudi, j’aimerais bien savoir de quoi les révolutionnaires peuvent être fiers, disait ma mère à ses partenaires de canasta, à part des colonies livrées aux mains des barbares, ou des maisons et des terres occupées par des voleurs, je ne vois que ça, j’aimerais bien savoir d’où leur vient leur fierté, insistait ma mère tant que les partenaires n’eurent pas disparu des après-midi du jeudi, elles avaient profité de la brouille avec cette imbécile de Clarissa pour fuir la dangereuse habitude que ma mère avait prise, cette imbécile de Clarissa qui avait commencé à prendre de grands airs juste parce que son fils apparaissait en tenue de camouflage à la télévision, un opportuniste qui a mauvais genre selon les mots de ma mère, un héros de la révolution selon les mots de cette imbécile de Clarissa, la vérité dépend du point de vue, au début les partenaires avaient quand même essayé d’arracher ma mère à cette habitude,
les temps ont changé, Celeste
mais avec le temps elles ont compris qu’elles ne pouvaient rien faire, qu’elles ne pouvaient rien contre l’habitude qui s’était emparée de ma mère,
pour l’amour de Dieu fais plus attention à ce que tu dis, Celeste
une bande d’opportunistes, ça ne va pas tarder, chacun à sa place, ce sont toujours les mêmes qui gagnent, toujours les mêmes, les opportunistes
tu vas finir par avoir des problèmes, Celeste
Dulce Maria Cardoso, Les anges, Violeta, Esprit des Péninsules, 2006
2 commentaires »
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décidément, cardoso est un de mes écrivains portugais préférés! merveilleuse ! quel talent… merci pour cet extrait !
En effet, c’est un écrivain qui promet… elle n’en est qu’à son second roman !