un mari jaloux
Jalousie
« Quitata (1) sans vergogne ! », pensa l’homme au pistolet 45. « Pourquoi le cocu est-il le dernier à savoir ? !… »
Tout bien réfléchi : vraiment, il voyageait beaucoup, autant vers les provinces que vers l’étranger, c’était son travail, il lui fallait accompagner le ministre où qu’il aille, c’était la fonction d’un directeur de cabinet, bien qu’il n’eût pas souvent l’heur de découvrir (c’était, par exemple, une des expressions archaïques du personnage) une utilité quelconque à ces voyages (« est-ce que ce type ne m’emmènerait que pour lui porter sa serviette diplomatique ?). Mais, certainement, ces voyages incessants étaient la cause de son malheur, s’il passait plus de temps à la maison, Necas n’aurait pas éprouvé le besoin de se trouver un capitaine… Pourquoi, alors, le ministre l’emmenait-il toujours, obligatoirement, dans ces voyages inutiles ? Serait-il de mèche avec le capitaine ? Le ministre serait-il, dans le fond, le grand coupable ? Non, ce n’était pas possible…
L’homme au pistolet 45 était troublé. Par dessus le marché, l’attente commençait à le fatiguer. « Ne vais-je pas être ridicule, caché dans la cheminée, recouvert de suie ? »
Il profite de ce refuge, où il attend pour faire justice, pour continuer à penser. Après être devenu veuf, il avait décidé de se marier avec une vierge. Necas, nièce de la vieille Matári, tombait à pic. Récemment arrivée du Sud, elle n’avait sans doute pas la roublardise des Luandaises, qui ne devaient même pas être vierges des oreilles. Et, détail important : elle était jeune et très jolie.
La vieille Matári lui avait dit : « Si les draps ne crient pas, tu peux me la ramener…
En se souvenant de l’épisode, l’homme au pistolet 45 a l’impression de devenir aveugle, un instant. Comment les draps auraient-ils pu « crier », si cette pute n’était pas vierge ? ! Il ne sait pas, encore aujourd’hui, si c’était déjà la passion ou si ce n’était que la honte qui l’avait amené à être d’accord avec sa suggestion de tartiner un drap avec de la sauce tomate pour donner l’impression d’une tache de sang, ce qui prouverait sa virginité. « L’important, c’est que j’ai été compréhensif, bon sang !… »
Avec le temps (qui guérit tout), il avait découvert qu’il ne pouvait vivre sans elle. Il n’avait de toute façon plus l’âge de chercher une autre femme. Il s’était attaché, par conséquent, à Necas, il lui avait donné un foyer, une vie, une position sociale (ce n’est pas tout le monde qui réussit à être directeur de cabinet). Chaque fois qu’il partait en voyage – ces maudits voyages, qui avaient détruit sa vie – il lui rapportait divers cadeaux, des robes, des chaussures, du parfum, enfin, tout ce dont a besoin une épouse de directeur de cabinet. Il n’était pas comme les autres, qui, en voyage, claquent leurs dollars en prostituées et en beuveries. C’était un chef de famille, un fonctionnaire à l’ancienne, son expérience datait du temps de la colonie. « Je voudrais bien que Silva me voie maintenant, ce salaud de colon , qui m’a barré tous les concours, dans le temps !… »
João Melo, in « La suie », Imitação de Sartre e Simone de Beauvoir, Caminho, 1999
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[1] Prostituée
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