Un zonard
Marco fut réveillé en sursaut par le soleil qui le frappait en plein dans les yeux. Il tenta de se calmer, de comprendre où il était. Puis, quand il se souvint enfin, il s’assit d’un bond dans le lit et se frotta frénétiquement les paupières. Lorsqu’il les rouvrit, il vit devant lui, attachés avec du papier collant à la lampe de chevet, un billet de cinq mille et une feuille de papier lilas.
« Marco », lut-il à voix basse. « Il a fallu que je sorte et comme je n’ai pas réussi à te réveiller je t’ai laissé dormir. Je dois rentrer vers quatre heures et j’aimerais beaucoup que tu m’attendes. Si tu ne peux pas, téléphone-moi bientôt. Je t’embrasse. Céleste. P.S. Comme je n’ai pas de monnaie, je te laisse 5000 escudos. » Marco se souvint vaguement de lui avoir demandé de lui prêter 1000 escudos quand elle s’était penchée sur lui pour l’embrasser. Il se souvint également du goût bizarre resté sur ses lèvres et du parfum fort qui l’avait fait éternuer deux ou trois fois.
Ensuite, il se leva et mit son oreille contre la porte. Est-ce que l’autre s’est tirée aussi ? Bordel, la peur qu’elle m’a faite, avec ses yeux de poisson et ses cheveux tirés sur sa tête ! J’ai cru que j’allai péter un plomb, pensa-t-il, jetant un coup d’œil par la porte entrouverte avant de sortir dans le couloir. J’ai une faim du diable. J’espère qu’il y a quelque chose qui se bouffe.
Sur la table de la cuisine il trouva un paquet de lait, un paquet de pain de mie complet, du beurre et un pot de confiture de fraises. « Il y a des œufs au frigo et de la glace dans le congélateur. Mange ce qui te fait envie. Je t’embrasse. Céleste » Marco lut le mot, se frotta les bras comme s’il avait froid et regarda autour de lui, à la recherche de la cafetière.
Quand il retourna dans la chambre, il était rassasié et avait envie d’uriner. On aurait dit qu’un cyclone était passé par la salle de bain, il y avait des vêtements éparpillés de tous côtés, et Marco, ne pouvant se retenir davantage, finit par uriner dans le bidet.
- Putain ! jura-t-il en regardant autour de lui. Quel bordel ! Ma mère pourrait jamais laisser la salle de bain dans cet état, chiante comme elle est pour ces trucs-là, toujours après moi et ma sœur.
Jetant la robe de chambre de Céleste par terre, Marco se lava les mains et se mit à se regarder dans la glace. Elles sont toutes folles de toi, se vanta-t-il, en s’essayant à plusieurs grimaces. Satisfait, il entra dans la chambre et sortit un paquet de tabac, un briquet et des feuilles à rouler de la poche de son blouson.
Au salon, il ouvrit la fenêtre qui donnait sur le balcon. Super, l’appart, pensa-t-il, en détaillant les canapés de cuir noir, les tables au cadre d’aluminium et aux plateaux de verre, les spots qui projetaient leur lumière au plafond, l’étagère métallique où se trouvait la chaîne stéréo, les cassettes et les CD. Il s’amusa quelques instants à lire les noms, mais renonça rapidement. C’est tout des conneries, y’a rien qui me branche, décida-t-il, allumant la radio et cherchant un poste avec de la musique qui lui plaise. Puis il s’assit sur le canapé en face de la télévision et se roula tranquillement un joint.
Vingt minutes plus tard, il lui revint que Céleste avait dit qu’elle serait de retour vers quatre heures. Quelle heure il peut être ? La dernière chose dont j’ai envie, c’est de tomber sur elle. Effrayé à la perspective que Céleste puisse arriver d’une minute à l’autre, il s’habilla en un clin d’œil.
Ana Nobre de Gusmão, Aves do Paraíso , Asa 1997
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.