Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Frayeur

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 8 mai, 2007 @ 9:40

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Monstre. www.galienni.typepad.com

J’étais aux prises avec ces réflexions si complexes et si atroces (à causes d’elles, je n’avais pas vu Manuela depuis trois mois), lorsqu’elle me téléphona : « Je veux aller passer le week-end dans ta maison de campagne ! », décida-t-elle, en mon nom. Nous y allâmes. Je ne mentionnerai pas l’impatience avec laquelle je fis le voyage jusque là-bas. Je bandais comme un âne. Finalement, au bout de trois mois, tout me paraissait clair : je l’aimais. Simão (malgré tout le respect que je lui devais) et el compañero ne me préoccupaient plus ; je décidai, par conséquent, que j’allais épouser Manuela, et que, dès que nous serions arrivés, je lui en parlerais.
Je n’eus pas le temps de prononcer un mot, car à peine étions-nous entrés que Manuela se jeta sur moi ; avec une gloutonnerie que je n’avais pas oubliée une seule minute pendant les trois mois où nous ne nous étions pas vus, elle m’arracha (littéralement) mes vêtements et, me couchant sur le dos, s’assit avec plaisir sur moi, et commença à me massacrer. J’ai toujours considéré que cette position était diabolique et uniquement recommandable pour les finitions, mais, ce jour-là, j’étais prêt à la laisser mener les choses à son gré, et même à proscrire la langue portugaise de notre processus, disons, érotico-communicatif.

 

Mes plaisirs furent interrompus, brusquement, par l’apparition inattendue d’un étrange visage qui s’interposa entre nous ; menaçant et suant la haine par ses gros yeux noirs, ce visage, en vérité, était double : une moitié était celui de Simão et l’autre moitié, celui de Fernando, el compañero (j’avoue que je ne les connaissais ni l’un ni l’autre, mais, pourtant, j’avais la certitude absolue que c’était eux et qu’ils étaient prêts à tout…). Comme c’était à prévoir, je fus pris de panique. Je me débarrassai rapidement de Manuela et je me mis à courir, comme si j’avais vu (et j’avais vu) un cazumbi.
Il n’y avait personne dans la propriété, à part moi, Manuela et cette apparition vengeresse qui me poursuivait à travers champs ; j’eus l’impression qu’un essaim d’abeilles furieuses participait aussi à la poursuite, mais je m’aperçus que c’étaient des balles ; Simâo et el compañero étaient armés et leurs mains siamoises (à présent, ce n’étaient pas seulement leurs visages mais aussi leurs corps, de la tête aux pieds, qui constituaient un être unique et grotesque) jaillissaient des flammes qui s’approchaient de moi dangereusement, alors que je courais comme un fou ; comme on dit, je craignis pour ma vie. Pendant ce temps, et plus étrangement encore, je remarquai que Manuela courait aussi derrière eux, toute nue, en criant : « Il me faut une bite angolaise ! Il me faut une bite angolaise !… » Je n’arrêtais pas de courir, mais je savais que mon effort était vain. Je me mis à entendre une voix, qui me disait des choses dans une langue bizarre, mêlant l’umbundu, le castillan et le lingala (Simão avait vécu longtemps au Zaïre ; était-ce pour ça ?). La voix se rapprochait, elle était de plus en plus près, très près. C’était la fin.

João Melo (Angola), Imitação de Sartre e Simone de Beauvoir, Caminho, 1999.

 

Ma poésie est angolaise, férocement,
J’écris avec crainte, rage, force, rythme et joie
J’écris avec le feu et la terre
J’écris toujours comme si je mangeais du funje avec les doigts

Surtout quand j’utilise un couteau et une fourchette.

(João Melo)

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