Méfiance
Visage (Aquarelle de Ana Diogo)
- Toi, je vais te dessiner à au moins trois mètres de distance, dit-il en remettant ses lunettes noires.
Mariana le regarda, étonnée.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est la distance de la prudence, répondit Lucas en esquissant un sourire.
- Ça veut dire quoi, demanda Flor.
- Que je suis protégé, parce que je suis hors de portée du pouvoir de séduction de Mariana, répondit-il.
- Et qui t’a dit que j’avais envie de te séduire, demanda Mariana.
- Ce n’est pas la peine, répondit Lucas en lui posant la main sur le bras. C’est une question d’empathie
ou d’âmes sœurs, si tu préfères.
Il retira sa main.
- Tu es gonflé, murmura Flor, méprisante. Tu es un
- Un collectionneur de caractères, compléta-t-il. Etudier le caractère de quelqu’un, ça me fascine, c’est passionnant.
Mariana réprima un frisson.
- Ça veut dire qu’en faisant le portrait de quelqu’un, tu étudies aussi son caractère. Ça peut être dangereux.
Lucas regarda Flor – Un portrait n’est bon que lorsque l’artiste réalise une symbiose parfaite entre l’aspect physique du modèle et sa personnalité. Et pour ça, il est fondamental de parler avec lui, de l’écouter, de le connaître, de tout savoir de sa vie, ce qui le passionne et ce qui lui fait de la peine, ce qui le fait vibrer et ce qui le déprime
ce qui le laisse indifférent et ce qui le rendrait capable de tuer
et de dessiner d’innombrables fois les différentes expressions de son visage, ses mimiques et ses rictus, sa façon de regarder, le langage de son corps
jusqu’à ce qu’on parvienne à capter une émotion dissimulée, quelque chose de feint, quelque chose de faux.
- Tu es dangereux, répéta Mariana avec un rire nerveux. Je vois qu’avec toi il faut que je fasse très attention à ce que je dis et à ce que je fais.
Ana Nobre de Gusmão, O Pintor, Asa, 2004
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