Lusopholie

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Archive pour le 23 mai, 2007

Encore un héros

Posté : 23 mai, 2007 @ 11:20 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

 

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Freud a dit : dans tout acte sexuel, il y a deux personnes de trop (je cite de mémoire). Si Pedro Domingues João (le camarade Tir Infaillible) était initié aux méandres de la psychanalyse, nous ne le savons pas. Ce qu’il se passait, alors, c’est qu’il se rappelait Rita avec une fréquence excessive, quand il faisait l’amour avec Lemba, et, dans le cas où la « privilégiée » (nous verrons que notre personnage se considérait comme un « élu ») était la première, l’image de la seconde s’interposait toujours entre eux, un peu avant les ultimes clameurs par lesquelles, cédant à l’appel irrémédiable du sang, ils célébraient la liaison physique de leurs deux corps (dans l’exemple donné ici, l’âme jouait un rôle rigoureusement inoffensif).
Avant d’aller plus loin, il convient de procéder à certains éclaircissements : le pseudonyme de Pedro Domingues João était un authentique nom de guerre et n’avait rien à voir avec la signification pécheresse qu’on a attribué, en portugais d’Angola, à l’expression « tirer un coup ». Tout le monde l’appelait, donc, Tir Infaillible, non pas à cause de sa vitalité sexuelle largement commentée, mais parce que, durant la lutte pour l’indépendance, il s’était rendu célèbre en réussissant à abattre les hélicoptères ennemis d’un seul coup de fusil. Il y en avait même qui, soit parce qu’effectivement ils lui faisaient davantage confiance, soit parce qu’ils étaient incapables de mesurer les distances lorsqu’il s’agissait d’un presque héros, l’appelaient simplement : camarade Infaillible.
Son adresse au tir était si redoutable que les tuga
(1) en étaient arrivés à répandre le bruit, en plus d’une occasion, qu’il était mort au combat ou qu’il avait été fait prisonnier, simplement pour démoraliser les autres guérilleros. Dans leurs transmissions pathétiques à travers la Voix d’Angola, ils le désignaient comme « le terroriste Tir Infaillible » et autres insultes hystériques déjà tellement chantées et déchantées, en poésie comme en prose, dans la littérature angolaise. Mais il filait toujours entre les doigts de leurs féroces chasseurs, sautillait de région en région, abattant des hélicoptères comme on abat des lapins imprudents. Il était devenu une légende.

João Melo (Angola), Imitação de Sartre et Simone de Beauvoir, Caminho, 1999

(1)« Portugais » (péjoratif)

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