Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour juin, 2007

Matin de carnaval

Posté : 24 juin, 2007 @ 9:18 dans musique et chansons | Pas de commentaires »

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Manhã de carnaval (du film Orpheu Negro)

Caterina Valente et Luiz Bonfá

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Boca de lixo

Posté : 20 juin, 2007 @ 7:37 dans vidéos documentaires | 2 commentaires »

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Documentaire réalisé à San Gonçalo, Rio de Janeiro, par Eduardo Coutinho, en 1992 (première partie)

Les images parlent d’elles-mêmes. Ces hommes et ces femmes vivent et travaillent dans la décharge. Certains disent qu’ils préfèrent ça à travailler comme domestique. L’approche du documentariste fait qu’aucune dignité n’est enlevée à ces gens qui considèrent leur situation, finalement, n’est pas pire qu’une autre.

 

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Nombre d’or

Posté : 19 juin, 2007 @ 9:30 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

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« Dieu nous a laissé un grand souvenir », dit-il en lissant ses cheveux en arrière. Puis il mit la main dans sa poche – c’était une poche très profonde, ou alors ce n’était qu’une métaphore assez lente.
Finalement il en tira quelque chose de minuscule et commença à le déplier. Je dus reculer pour laisser la place au dépliage de ce rituel solennel. Il répondit à mon geste en dépliant et en déployant le souvenir dans une autre direction. C’était quelque chose d’une transparence croissante, parce que ce n’était qu’à travers ses mouvements, et plus tard par ses mouvements autour de ce qu’il avait déplié (c’était un carré, ou peut-être avait-il la divine proportion, ce pouvait être une erreur de perspective) que j’en déduisais la dimension. L’espace permettait la continuation du dépliage et je commençais à m’impatienter, prêt à m’en aller malgré mon respect pour la mystérieuse mise à plat de ce qui devait théoriquement être une surface. J’hésitai parce qu’il me vint cette idée bizarre : l’action de déplier peut être morose et désagréable pour un homme inexpérimenté, mais qui a été capable de plier cette immensité de transparence parfaite ? Ce ne peut être que Lui. Mais pour quoi faire ?
« Ce n’est plus la peine, vous pensez à autre chose de totalement différent », dit mon inconnu, et d’un geste brusque il jeta à terre la transparence.
Non, ce n’était pas une surface transparente, et elle n’avait pas la divine proportion. Personne n’essayait de la déplier. J’étais devant une énorme flaque, à Campo Grande, et je me demandais comment faire pour passer de l’autre côté.

Dimíter Ánguelov , Partida incessante, Nova Atica, 2001

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la peste

Posté : 17 juin, 2007 @ 9:45 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 1 commentaire »

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Dürer, Cavaliers de l’Apocalypse, 1498

Les douleur dans mon corps, dans ma tête, ne cessent de croître à présent. Les frissons sont plus longs, et les espaces entre eux plus courts, et chaque fois plus courts encore. Le sang jaillit de mon nez avec plus de fréquence et quant à mon corps, tant enflé par les bubons, j’ai presque peur de le regarder. Je ne sais pas de façon certaine combien de temps il y a que je suis dans cet état, car les quatre jours dont Martin d’Armez m’a parlé me paraissent à la fois lointains et effroyablement proches dans mon souvenir. De nouveau, ma mémoire me trahit. Comment puis-je me fier à elle, croire en elle, et dire que tout ce dont je me souviens est vrai ?
Il me reste un peu de viande séchée, un peu de poisson salé. Un peu d’eau, de vin, quelques fruits, quelques biscuits. Je n’ai plus de pain, ni d’autres boissons comme le cidre et la bière. Peu importe. La faim est une chose qui m’est devenue depuis longtemps étrangère, même indésirable, et je ne m’alimente que parce que ce serait un grand péché de me laisser mourir par faute de nourriture. De toute façon c’est ce qui arrivera si ma fin devait tarder. Mais si je me regarde dans le miroir et que mon regard s’attarde un peu sur mon corps malade, et que je vois en lui les signes qui l’écrasent et le détruisent, il me sera facile de voir qu’elle ne peut plus tarder beaucoup. Qu’il en soit ainsi. Peu importe. La peste et la faim sont finalement les mêmes masques sous lesquels la mort se dissimule. Et trois des Cavaliers de l’Apocalypse sont cela même : la peste, la faim et la mort.

Le quatrième est la guerre.

Sérgio Luís de Carvalho, Le Bestiaire inachevé (Anno Domini 1348), Phébus, 2003

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Une vie de paria

Posté : 14 juin, 2007 @ 4:46 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Alentejo (photo Al Farrob, http://www.al-farrob.com/)

Pendant quelques jours le vent du Nord se calme. De grosses pluies se mettent à tomber le matin, s’attardent tout l’après-midi, et ne s’éteignent qu’avec le soir. Puis, de nouveau le vent fait irruption du côté du Nord. Le temps sec, froid et sombre.
Elle est étroite, toujours la même, la vie de la campagne. Rares sont les événements étranges, tout se répète. Même lorsqu’un changement se confirme et persiste, il devient aussitôt monotone. C’est ce qui arrive à Palma. Bien qu’il n’ait encore traversé la frontière qu’une demi-douzaine de fois, il lui semble qu’il y a longtemps qu’il fait de la contrebande.
Dans la masure, les repas quotidiens atténuent vite l’appréhension de Julia, les colères d’Amanda Carrusca. Tous se montrent reconnaissants, et seule Mariana s’obstine à contrarier l’harmonie établie. Mais ses raisons se heurtent à la réalité du moment : ils ont de quoi manger.

Manuel da Fonseca, Seara de vento, 1958 ( 16° éd.Caminho 1984)

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Visite

Posté : 11 juin, 2007 @ 8:43 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

(Résumé des épisodes prédédents : l’écrivain Lourival, retiré à la campagne pour écrire, reçoit un soir la visite d’Alexandre le Grand, bientôt rejoint par Jules César. On frappe à la porte…)

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C’était Napoléon Bonaparte, il n’eut pas le moindre doute. Il était en train de s’habituer. Avec un chapeau à une corne de chaque côté. Grassouillet et court sur pattes. Il portait un grand rouleau dans la main gauche et scrutait les environs.
Lourival se contenta de lui désigner le sofa près de la cheminée et s’assit, enfin.
Bonaparte n’accepta pas l’invitation qui lui était faite. Il s’assit sur le sol, tout près du sofa, posa son bicorne de côté, et, enlevant la main de son gilet, il commença à déplier le rouleau qu’il portait avec un soin extrême. Il se mit à quatre pattes, étala la carte en la retenant avec les mains et les genoux, et se mit à l’étudier d’un air préoccupé.
Dehors, une pluie imprévue et violente commençait à tomber.
Lourival, déjà un peu fatigué de toutes ces visites, se leva et alla observer la carte. Waterloo, bien sûr. Il était prêt à expliquer que la défaite avait été causée par le retard de l’artillerie, mais bien vite il y renonça. En fin de compte, ce n’était pas son problème.

Mário Henrique Leiria, Novos contos do gin, Estampa 1974

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Les trafiquants

Posté : 9 juin, 2007 @ 10:10 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Aveugle aux autres femmes qu’il y avait dans la région, belles et disponibles, il n’avait d’yeux que pour Ana Bessa et il lui était pénible de supporter, en réponse à son attitude noble, une réaction aussi fade et indifférente, aussi pleine d’une morgue de bon ton.
Le major résolut de partir pour la forêt, pour satisfaire sa soif démesurée de richesse selon les uns, en quête d’émotions fortes qui lui fissent oublier son amour blessé, qui était notoire, au dire des autres. Il parcourut les déserts du Nord du Mozambique d’un bout à l’autre, et finit par s’installer près de Zôbuè, à la frontière avec le Nyassaland anglais, où il se mit à vivre de manière assez fruste dans une paillote, dormant par terre comme les gens du lieu, mangeant comme eux à même la marmite sur le feu.
Il devint l’ami du roi Chimarizene, et se mit en ménage avec l’une de ses filles, Alina, jeune fille très laide. Avec ledit Chimarizene pour comparse il pataugea dans le fleuve Vúdzi, maigre voie d’eau mais chemin important pour les hommes qui venaient d’Angónia et de plus haut, du côté de Dedza, chercher du travail, parce qu’ils avaient entendu dire qu’il y en avait plus bas. Le long de la berge, le major les attendait avec de beaux discours et d’innombrables et fantastiques promesses. Il les emmenait et les vendait ensuite à un certain Lipovich, qui traînait par là aux ordres des Sud Africains de l’or en quête de bras pour creuser dans les mines. Les hommes embarquaient en souriant, pensant que le paradis les attendait. Ils allaient pourtant tout droit en enfer, par vagues successives. De gros cordons de gens francs et aimables, riant pour un oui pour un non, les pieds déformés d’avoir tant cheminé à la poursuite de leurs rêves en descendant les berges du Vúdzi, avec de petits sacs de farine attachés à la ceinture et des chapeaux de paille de sorgho leur tombant sur la nuque. Parfois ils entonnaient des mélopées tristes, et c’était comme si toute la forêt – les arbres et les eaux, les pierres et les bêtes – énonçaient à l’unisson un présage.
Avec tout ça Chimarizene gagnait quelques carafons d’eau de vie (il était très porté dessus) et les sourires ironiques et complices du major et du Lipovich en question. Au major il resta, de ce commerce, un principe qui guiderait son action durant toute sa courte vie : un travailleur, une pièce de monnaie.

João Paulo Borges Coelho, As visitas do Dr. Valdes, Caminho, 2004

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Une immigrée

Posté : 2 juin, 2007 @ 2:10 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

 

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Au début, ç’avait été difficile pour elle, descendante de djintons, de gens importants, de partager le plancher avec les murrus, des hommes en vêtement traditionnel ou en lopé, en pagne. Mais avec le temps, Joana apprit que la misère était le seul moment de véritable égalitarisme.
Chassés de la ville de Lisbonne du Portugal, ils atterrirent dans le ghetto de la Quinta des Hiboux. Des constructions clandestines abandonnées par leurs propriétaires, sans portes ni fenêtres, avec des escaliers sans rampe. L’eau, l’électricité et les infrastructures sanitaires étaient un mirage !
Qui eût dit que, tout à côté de la ville-lumière de Lisbonne, la misère pouvait exister et cohabiter avec l’opulence ? Quelle différence avec la vie qu’elle avait à Bissau ! Dans son pays natal, elle possédait une installation électrique mais le courant n’arrivait qu’un jour sur deux. Les robinets d’eau rouillaient, à force de rester si longtemps sans être parcourus par le précieux liquide.
A la Quinta des Hiboux, elle voyait les lumières au loin lorsqu’elle allait à Lisbonne. Elle regardait les vitrines remplies de victuailles, tout en sachant qu’elle ne pourrait rien acheter.
Mais ici, loin de son peuple, Joana, comme tant d’autres, se nourrissait de l’espérance de pouvoir vivre un jour comme les riches. Au moins, elle voyait la richesse passer à côté d’elle, dans les belles automobiles, les gratte-ciel, les banques et les cinémas. Par conséquent, elle avait le droit de rêver, un droit qui, au nom de la misère, lui était refusé à Bissau.
- Maman, aujourd’hui on ne va pas faire mon lit pour que je dorme ? demanda, surpris, le petit Pedro, les yeux pleins de sommeil.
- Tu vas dormir avec tante Maimuna, à côté. Mes amies doivent venir passer la nuit avec moi.
[...]
- Pourquoi ? Elles n’ont pas de maison ? On n’a pas de place pour mettre un autre matelas.
- C’est juste pour aujourd’hui, Pedrinho ! Elles s’en iront demain matin. Quand quelqu’un meurt dans notre famille, les amis viennent passer la nuit avec nous pour nous donner de la force. Aujourd’hui j’ai appris que mon oncle était mort.
- Qui, celui dont tu parles tant, de ton pays là-bas ?
- Pas de mon pays, de notre pays, de notre Guinée.
- C’est pas mon pays. Je suis d’ici, c’est ici que je suis né ! Je veux être blanc et pas petit noir de Guinée qui se lave la figure avec du café et va à la messe en lopé. Ah ! ah ! ah !
- Arrête de dire des bêtises ! Ce sont les histoires des petits blancs de la rue. Ton pays, c’est le pays de tes parents, le pays de tes grands-parents, mes parents. Ici nous devons être portugais, mais nous ne cessons pas d’être noirs. Et au lieu d’avoir honte tu dois en être fier, mon fils.
- Fier ? Tu veux que je danse quand ils m’appellent Chico Nègre ?

Filinto de Barros, (Guinée-Bissau), Kikia Matcho, Caminho, 1999

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