Attente
Collage de Maria João Worm
Elles sont quatre femmes dans la pièce. De ces femmes, il faut savoir avant tout qu’elles sont ici à cause d’un homme qui a commis un crime et que si elles se rencontraient dans la rue par hasard elles ne se diraient pas bonjour.
Elles attendent. En silence, sans savoir que faire de leurs mains ni de leurs yeux. Même si elles retiennent leurs mains comme elles le font parfois en les entrelaçant sur leur sein, ou si elles les laissent aller en les abandonnant sur le banc de bois, même si elles trouvent un endroit adéquat pour poser leurs mains, il reste les yeux qui se détournent les uns des autres, les yeux qui, elles le savent, ne se reposeront que s’ils se ferment.
[...]
En vérité aucune des quatre femmes ne veut ni ne sait être dans la pièce si intimidante. Elles sentent qu’une voix, quelle qu’elle soit, serait déplacée dans cette pièce inconfortable à la lumière trouble, les quatre femmes se tiennent coites malgré l’angoisse qu’elles ressentent à être là, elles déchiffrent les bruits qui viennent du dehors, le silence de la pièce leur permet d’entendre une voiture qui freine, un oiseau qui piaille, des voix, le bruit sec d’une porte qui bat, les quatre femmes s’inquiètent de ce qu’elles ne sont pas capables d’identifier, est-ce un enfant qui pleure, des chattes en chaleur, elles bougent, mal à l’aise sur les étroits bancs de bois, elles sont attentives, elles penchent un peu plus la tête vers les bruits, elles fuient la pièce, distraites par le jeu, elles passent le temps, il y a un homme qui tousse, oui, c’est nettement un homme qui tousse, elles retournent soulagées à leurs mains, les mains contiennent tant de lignes où elles peuvent se perdre, la ligne de vie, de cœur et de santé, une cicatrice, des lignes parallèles, perpendiculaires, un réseau entrecroisé, la brûlure du four, les ongles éraillés, les quatre femmes qui, si par hasard elle se rencontraient dans la rue ne se diraient même pas bonjour, attendent, prisonnières de la lumière trouble de la pièce.
Dulce Maria Cardoso, Coeurs arrachés (Campo de sangue), Phébus, 2003
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