Visite
(Résumé des épisodes prédédents : l’écrivain Lourival, retiré à la campagne pour écrire, reçoit un soir la visite d’Alexandre le Grand, bientôt rejoint par Jules César. On frappe à la porte…)
C’était Napoléon Bonaparte, il n’eut pas le moindre doute. Il était en train de s’habituer. Avec un chapeau à une corne de chaque côté. Grassouillet et court sur pattes. Il portait un grand rouleau dans la main gauche et scrutait les environs.
Lourival se contenta de lui désigner le sofa près de la cheminée et s’assit, enfin.
Bonaparte n’accepta pas l’invitation qui lui était faite. Il s’assit sur le sol, tout près du sofa, posa son bicorne de côté, et, enlevant la main de son gilet, il commença à déplier le rouleau qu’il portait avec un soin extrême. Il se mit à quatre pattes, étala la carte en la retenant avec les mains et les genoux, et se mit à l’étudier d’un air préoccupé.
Dehors, une pluie imprévue et violente commençait à tomber.
Lourival, déjà un peu fatigué de toutes ces visites, se leva et alla observer la carte. Waterloo, bien sûr. Il était prêt à expliquer que la défaite avait été causée par le retard de l’artillerie, mais bien vite il y renonça. En fin de compte, ce n’était pas son problème.
Mário Henrique Leiria, Novos contos do gin, Estampa 1974