Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Promenade en enfer

Classé dans : - XVIIème/XVIIIème siècles,littérature et culture — 16 juillet, 2007 @ 15:55

 

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Le Soldat était encore subjugué par ladite représentation lorsque dans une infernale rue il vit passer un grand nombre de carrosses et de litières. Etonné, il dit au Petit Diable:
- Est-ce possible qu’en enfer aussi on roule en carrosse et en litière ?
Et le Petit Diable lui répondit qu’il y avait là un nombre infini de carosses et de litières, parce qu’y étaient punis ceux que carrosses et litières avaient conduits en enfer. A quoi le Soldat répliqua :
- Comment carrosses et litières peuvent être la cause de leur condamnation si celle-ci dépend de leurs mauvaises actions?
- Eh bien, les uns comme les autres, repartit le Petit Diable, en furent l’origine, car se voyant en carrosse et litière, chacun de ceux qui orgueilleusement en usaient méprisait les humbles et s’imaginait être au plus haut point des cieux, croyant qu’en litière et carrosse il prenait le chemin du paradis, tout enorgueilli de cette ostentation. Et pour qu’à cette fin rien ne lui manquât, il ne donnait point l’aumône aux pauvres et ne payait pas son dû, et donc je dis bien que les carrosses et les litières en enfer les ont conduits.
A cela le Soldat rétorqua:
- Ce ne sont là que calomnies, car je connais maints seigneurs et gentilshommes qui vont en carrosse et litière et sont fort charitables, courtois et doués de raison.
- Je ne nie pas, reprit le Petit Diable, qu’il y ait des bons et des méchants, et ceux qui méritent le nom de bons sont coeux dont les oeuvres sont en accord avec l’ancienne noblesse de sang. Néanmoins, ceux qui entrent en noviciat de noblesse et croeint qu’en enflure et vanité réside leur conservation se perdent tous, sans que mes tentations ne leur soient nécessaires.
A cela le Soldat s’apprêtait à répondre quand il vit que de nombreux diables, qui suivaient les carrosses et litières, surgissaient en criant:
- Halte-là, cochers, halte-là !
[...]
- Vos Grâces, messieurs les galants, croient-elles être venues en enfer pour s’y promener ? Eh bien vous vous trompez lourdement. Descendez sans tarder, car nous voulons vous administrer les tourments que vous méritez.

António José da Silva, O Judeu, brûlé par l’Inquisition en 1739, Oeuvres du petit diable à la main percée, (Obras do fradinho da mão furada), éd. Jérôme Millon, Grenoble, 1988. Traduit par Bernard Emery.

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