L’enchanteresse
Avec l’Alentejano le cas fut différent. Il venait de l’autre côté de la forêt et avait une réputation de tombeur, il proférait des badineries quelquefois très osées. C’est pourquoi les femmes de la Combe n’avaient pas d’oreilles pour lui. Il faisait du commerce d’un côté à l’autre, traversant la rivière, parcourant les environs. Mais toujours en flairant l’odeur des jupons.
Un après-midi du début du mois de mai, où le soleil brillait comme en plein été, il trouva Virgolina paresseusement endormie au bord du chemin, allongée sur un lit de trèfle, à l’ombre d’un pommier. Il la regarda longtemps. Avec convoitise. Il savait parfaitement que toutes les tentatives qu’il avait faites avec elle n’avaient abouti à rien. Et à présent elle était là, comme un cadeau, devant lui. Son hésitation fut de courte durée. Un sourire baveux aux lèvres, il commença à se dévêtir. Et il se coucha sur elle.
- Espèce de dégueulasse, qu’est-ce que tu fais sur moi ? !
dit-elle, ouvrant les yeux et le reconnaissant.
- Ecoute, si tu veux, je m’en vais…
rétorqua-t-il en guise d’excuse et avec l’air d’un honnête homme incapable d’offenser qui que ce soit.
Après un silence, elle dit d’un ton sentencieux
- laisse tomber. Maintenant que tu as commencé, termine. Une bonne fois pour toute.
Le lendemain, le trèfle sous le pommier était complètement sec. Et jamais plus, à cet endroit-là, aucune espèce d’herbe ne poussa.
L’Alentejano [...], lorsqu’il voyait Virgolina, s’approchait, la provoquait, mais il était évident qu’il ne se dandinait plus avec cet air effronté. Il était devenu impuissant. Et lorsqu’on commença à le savoir (parce que ces choses-là, s’agissant d’un étalon de cette importance, se savent toujours) on cessa de le voir à des lieues à la ronde.
António da Silva Carriço, Entre o corpo e a rosa, Colibri, 2002