Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour le 10 août, 2007

Etrange

Posté : 10 août, 2007 @ 8:26 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

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Lorsqu’elle regarda la montre que Daniel lui avait offerte pour son anniversaire, (un petit bracelet d’argent, un cadran sans chiffres), elle comprit qu’il s’était passé plus de deux heures. Et que, sans s’en rendre compte, elle était arrivée près des rochers, des montagnes basses qui, vues de la maison, paraissaient très éloignées.
Elle pensait à s’en retourner, lorsqu’elle remarqua les marches raides qu’une main humaine avait taillées dans la roche d’une façon rudimentaire. Elle hésita un peu et commença à monter ; au bout de quelques minutes elle découvrit que les marches se perdaient dans un tunnel assez obscur qui s’enfonçait dans la montagne.
Elle avança prudemment sur le sol irrégulier recouvert de mousse, en s’efforçant d’éviter l’eau qui gouttait du plafond et des parois ; peu après elle se trouva sur une plate-forme à l’air libre, entièrement entourée de rochers. C’était bizarre que ce chemin n’ait pas de sortie, cela n’avait pas de sens. Elle examina le lieu jusqu’à ce qu’elle aperçoive à nouveau, derrière un pli de rocher, des marches, et un autre tunnel, beaucoup plus long (elle dut avancer durant quelques minutes dans une obscurité totale, en tâtonnant le long des parois). Puis dans le tunnel, qui montait légèrement, la clarté revint et elle vit à l’extrémité un peu de ciel gris. Elle courut un peu, anxieuse de se retrouver à l’air libre.
Elle se trouvait à présent sur une vaste terrasse de pierre, au centre d’un plateau qui s’étendait à perte de vue. Il était recouvert de bruyère et d’ajoncs, et elle apercevait au loin des arbres au feuillage sombre et dense. Sur sa gauche elle vit les ruines d’une maison, au milieu d’un vaste jardin de plantes mortes.
Là, l’air était froid, elle entoura son corps de ses bras. Dans les champs poussaient des fleurs sauvages, si possible encore plus sauvages que de l’autre côté, mais il y avait quelque chose d’étrange qu’elle ne savait définir. Peu à peu elle comprit de quoi il s’agissait. A cet endroit-là l’automne était déjà fini, c’était le plein hiver pour la végétation, les herbes sèches ; c’était janvier, peut-être, les ajoncs et les genêts étaient en fleur.
La maison en ruines l’enveloppait dans son enchantement. Elle avait toujours aimé les ruines, les châteaux, les temples. Elle se sentait émue par l’intimité des pierres, la végétation famélique, les oiseaux qui faisaient des nids dans les fentes, les animaux sauvages qui dormaient dans les recoins que la lumière n’atteignait jamais.

Ana Teresa Pereira, (Açores) « Anamnese », in Se eu morrer antes de acordar, Relógio de Água, 2004

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