Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Diablerie

Classé dans : - XVIIème/XVIIIème siècles,littérature et culture — 27 août, 2007 @ 11:00

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Marius Borgeaud (1861-1924), Intérieur d’auberge

Angèle monta avec le souper dans la chambre du Soldat, le visage bien fardé, avec un petit voile et une camisole si propres qu’un boeuf les aurait bus dans l’eau. Si gracieuse, elle semblait dire : »Croquez-moi, croquez-moi » à qui fût moins continent que le Soldat, auquel elle s’adressa ainsi:
- Voici votre souper et moi-même pour vous servir, selon votre bon vouloir.
Et comme elle s’enquérait de son compagnon, le Soldat lui répondit qu’il était sorti et qu’elle pouvait se retirer et laisser là le souper. Un autre soir elle souperait avec lui et il lui paierait de retour les bonnes dispositions qu’elle lui témoignait, mais cette nuit ce n’était guère possible, car il se sentait souffrant.
Angèle, la rage au coeur que tout l’effort de sa parure n’eût servi de rien, se retira, non sans exprimer au Soldat l’intime douleur de son ressentiment. [...]
Le Soldat avait déjà fait un petit somme et il devait être près de onze heures du soir lorsque, une fois tous les hôtes couchés, Angèle s’étendit sur sa couche en proie à un vif ressentiment pour le mépris du Soldat, qu’elle regardait comme une grande offense à ses appâts, ce qui la tourmentait plus que la perte de cette belle occasion.
Commme Angèle était au lit, agitée par cette considération qui lui ôtait le sommeil, elle entendit une voix qui lui disait tout bas:
- Dors-tu, Angèle ?
[...]
Et la voix reprit :
- Tu me reconnais, Angèle ?

[...]

- Je ne suis point celui que tu crois, repartit la voix, mais celui que tu es alllée quérir cette nuit, avec le souper, et qui t’a laissée t’en retourner sans même goûter à ta beauté.
[...]

Sur ce la voix s’évanouit et Angèle, croyant que c’était celle du Soldat, passa son cotillon et alla le retrouveer en son appartement. Là, ayant trouvé porte close, elle la poussa de la main et celle-ci s’ouvrit. A l’intérieur, comme la lampe était encore allumée, elle vit que le Soldat dormait à poings fermés, ce qui l’étonna, vu le peu de temps qu’elle avait mis pour venir le rejoindre après qu’il l’eut appelée. Et s’imaginant que ce sommeil devait être feint pour voir ce qu’elle ferait, sans rien dire, elle ôta son cotillon et se mit au lit, où, après avoir attendu un peu, et voyant qu’il ne se réveillait toujours pas et que le sommeil paraissait véritable, elle fit semblant de tousser et s’agita sur la couche. A ce moment le Soldat Peralta s’éveilla et, surpris de la voir près de lui, car il avait laissé close la porte de sa chambre, il lui dit:
- Quelle licence est-ce là, dame Angèle ? Qui vous a permis de me venir importuner ainsi, en ouvrant la porte de ma chambre que j’avais close ?

 

António José da Silva, 1705, Rio de Janeiro – 1739 Lisbonne, Oeuvres du petit diable à la main percée, (Obras do fradinho da mão furada), éd. Jérôme Millon, Grenoble, 1988. Traduit par Bernard Emery.
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Un commentaire »

  1. veilleur dit :

    salut je vous propos un echange de lien entre nos blog
    merci

    Dernière publication sur reflexions de nuit : ma réflexion

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