Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

psychanalyse

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 4 octobre, 2007 @ 23:05

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Verrou dans un mur (photographie de l’auteur)

Je me suis vu soudain dans un lieu désertique, je ne peux pas dire pas désert parce qu’il y avait un mur de deux ou trois mètres de haut, en forme de fer à cheval. J’ai trouvé ça absurde parce qu’il n’empêchait personne de passer, et ne défendait rien. Un abri vide. Il me paraissait plus absurde encore d’y être entré alors que j’aurais pu le contourner, parce qu’on voyait tout de suite que c’était une barrière en elle-même et que son sens lui venait de cette courbure.
- Le symbolisme est transparent – c’est l’utérus – vous vous sentez dans le désert et vous cherchez un abri, un abri qui vous protège de vous-même, de votre désert. C’est une fuite de la réalité, une régression si vous voulez.
- D’accord. Mais le plus douloureux a été quand j’ai découvert, dans le fond, un verrou : sans porte, sans fermeture – creusé directement dans le mur.
- Ceci veut dire que vous voulez inconsciemment aller plus loin – pas seulement vous installer dans ce confort prénatal, mais transporter les limites de votre origine, vous transformer en un instant d’éternité.
- Je ne voulais rien transporter du tout, j’aurais très bien pu revenir en arrière, contourner le mur et continuer ma promenade, ou ma traversée du désert, c’est pareil.
- Vous pouviez, mais vous avez eu la malchance de voir, de découvrir, ou d’inventer – c’est pareil – ce verrou. C’est votre seule raison de toujours passer de ce côté-là du mur. Parce que vous portez ce mur avec vous, de toute façon. Ce qui vous ennuie, c’est que vous restez toujours « de ce côté-là ». Imaginons que vous parveniez à « ouvrir » ce verrou, ou ce mur : vous le traversez, et vous vous trouvez de nouveau de ce côté-ci , ou vous le détruisez, et vous êtes obligé de construire un nouveau mur, ce qui prend, vous le savez très bien, une vie entière.
- Je sais. Et qu’est-ce que je fais ?
- Quand vous rêverez encore de ce mur, n’entrez pas, ne vous affolez pas, contournez-le et réveillez-vous.
- Et si je n’arrive pas à me réveiller ?
- Si vous n’arrivez pas à vous réveiller, vous êtes un homme heureux, parce que c’est ce qu’on appelle une mort facile. [...]

Dimíter Ánguelov, Furacão no labirinto, Europa América, 1996

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4 commentaires »

  1. jos du livrophile dit :

    Excellent dialogue, quelle verve… Dommage que je parle extrêmement mal le portugais, car toutes ces traductions me laissent ds un pénible état de frustration…

  2. lusina dit :

    Cet auteur est atypique; sa langue maternelle est le bulgare, mais il écrit et publie en portugais (et vit à Lisbonne). Comme quoi, on peut apprendre !:-)

  3. Zoia Schvartz dit :

    Interessante, Lusina, a alusão à inexistência da morte com certo humor, se bem entendi,na referência à ‘morte fácil’. Entretando, parece que com tunel ou sem tunel, vale mesmo é o reconstruir sempre. E aí me lembrei do mito de Sísifo, ó pedrinha que não pára de rolar esta tal de vida! Abraços

  4. lusina dit :

    Oui,Zoia, la « mort facile » est une allusion à l’inexistence de la mort, mais aussi probablement au fait que ne pas se réveiller est la façon la plus « facile » de mourir… J’ai moi aussi pensé à Sisyphe roulant son rocher, je voulais illustrer le texte avec une représentation de ce mythe, mais je me suis dit que c’était peut-être une interprétation trop personnelle.

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