Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Les temps changent

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 14 octobre, 2007 @ 7:10

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Tous deux approchaient à présent de leur ville, d’où ils étaient sortis tous deux très tôt, car le voyage de Monsaraz à évora est un voyage auquel on doit penser bien avant la veille et auquel on doit réserver toute une journée. A force d’être incertains les chemins deviennent une chose amère, dont le méchant état et le mauvais usage ne révèlent rien d’autre aux passants qu’une sage leçon :
«Chemine avec prudence car, si l’arrivée ne se dérobe pas, incertain est ton voyage. »
Et ce fut alors – soit parce les vêpres sonnaient soit parce que l’envie de repos était plus forte que la fatigue du corps – que tous deux pressèrent qui sa charrette, qui sa monture, et virent la ville s’ouvrir devant eux. Puis c’est le soleil déjà faible qui se déverse sur les toits des maisons et les visages des gens ; et le sol de schiste qui court sous les pieds, connu et familier ; et les visages connus qui se saluent et sa propre maison qui à la fin s’approche. Et de la pénombre de sa maison, où il vient d’entrer, au juge le soleil paraît plus faible encore, et plus distante sa lumière.
Ce fut seulement alors – dans la solitude de cette sienne maison – que Luís de Castro se rappela ce que le forgeron d’évora lui avait dit cette après-midi-là et ce qui s’était passé dans l‘atelier. Il se rappela l’éclat du métal chauffé au rouge et le vacarme du fer battu et la chaleur, cette chaleur qui ne serait pas plus forte si la porte de la forge était la dernière porte avant les domaines infernaux.

[...]
Oui, la ville serait différente avec son horloge dans sa tour ; et ils pourraient dire, ceux qui y venaient et qui en partaient, aussi bien que ceux qui par la volonté du destin y naissaient, que des temps nouveaux alors viendraient, que la ville était plus altière et souveraine ; et qu’elle croîtrait en vigueur et en force, étendant son ombre et son timbre à d’autres terres, au lieu d’être seulement l’ombre d’elle-même, brisant cette étrange malédiction de pauvreté et de jours gris dont seules sont victimes les terres qui sont loin de tout. Aucun autre rêve n’était plus important pour cet homme que celui-ci : donner aux habitants de la ville, qui était aussi la sienne, le péché d’orgueil d’être nés là et, par conséquent, de demeurer là. Et en tout cela l’horloge monumentale n’était pas une fin, mais en elle-même le commencement de tout.

Sérgio Luís de Carvalho, As horas de Monsaraz, Campo das Letras, 1997

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