Lusopholie

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Archive pour le 21 octobre, 2007

La mort du rossignol

Posté : 21 octobre, 2007 @ 8:00 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture | 2 commentaires »

 

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La mort du rossignol dans - moyen âge/ XVIème siècle holbei10

Hans Holbein le jeune, Portrait d’Elsbeth Binsenstock… (détail), 1528

Comme j’étais ainsi à regarder où courait l’eau, je sentis bouger la forêt. Je crus à quelque danger, et la peur me saisit, mais regardant par là, je vis que venait une femme, et, posant mes yeux sur elle attentivement, je vis qu’elle était grande, bien faite, avec un visage de dame, de dame du temps jadis.
Toute de noir vêtue, avec sa démarche tranquille et les manières assurées de son corps, de son visage et de son regard, elle semblait digne de respect. Elle s’avançait seule, en apparence si songeuse qu’elle n’écartait pas les branches, sinon quand elles lui barraient le chemin ou lui blessaient le visage. Elle posait ses pieds dans les fraîches herbes, le bas de sa robe traînant sur elles. Et entre quelques pas lents qu’elle faisait, de temps en temps elle reprenait son souffle fatigué, comme si son âme voulait la quitter. Lorsqu’elle arriva près de moi, qu’elle me vit, joignant les mains à la manière d’une femme qui a peur, un instant elle s’arrêta comme si elle avait vu une chose inhabituelle, et moi aussi je me tenais ainsi, non parce que j’avais peur, car son aspect agréable me rendit tout de suite la chose impossible, mais parce qu’il était nouveau pour moi de voir là quelqu’un, alors que je parcourais depuis longtemps, pour mon malheur, ce lieu et toutes ces berges.
Elle ne resta pas longtemps ainsi, car il semble que me voyant aussi telle que j’étais, de bonne manière :
- C’est grande merveille, commença-t-elle en s’adressant à moi, de voir une demoiselle dans ce lieu désert, depuis que mon grand malheur a enlevé au monde mon…
Et, après un long moment, la voix déjà mêlée de larmes, elle prononça :
- fils.
Et puis, tirant de sa manche un mouchoir, elle commença à s’essuyer le visage en s’approchant de l’endroit où j’étais. Et je me levai alors, faisant preuve à son égard de cette courtoisie à laquelle la sienne propre et son apparence m’obligeaient. Et elle :

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