Encore une surprise…
(L’écrivain Lourival vient de voir arriver dans sa petite maison à la campagne… Alexandre le Grand. Mais on a frappé de nouveau à la porte…)
- Vale, dit le nouvel arrivant, levant subtilement la main droite, les yeux pleins d’ironie.
- Ave César, répondit immédiatement Lourival, dans un réflexe conditionné qui lui venait du De Bello Gallico de sa lointaine troisième.
Jules César fit un pas en avant, releva la toge qui le couvrait d’une main dont le dos portait une longue cicatrice, écarta de la même main la chaise de la table, et s’assit en face du grec puant, chef d’armée et de conquêtes.
Lourival, prêt à tout, s’empara du pain somptueux et d’une bouteille de vin du pays qui se trouvait sur le sol, tout à côté de la porte de la cuisine, prit la posture qui lui semblait la plus digne et posa les provisions sur la table.
Les visiteurs conversaient.
Lourival ne comprit pas un mot. Cela n’avait rien à voir avec ce qu’il avait appris au lycée et ailleurs. On aurait dit une langue vivante, chantante, inattendue. Il alla jusqu’à la porte, surveiller le temps et s’assurer de l’endroit où il se trouvait.
Là dehors, le murmure des pins continuait. Le soleil descendait, distant et familier, laissant planer paresseusement une légère coloration de nostalgie, au-dessus de tout, comme une couverture en patchwork chaude et trouée.
Il lui sembla remarquer quelque chose de peu commun, comme si la maison était enveloppée d’une oscillation transparente, mais l’impression s’évanouit lorsqu’il entendit le tintement bureaucratique de la cloche du village.
Il retourna à l’intérieur, dans l’intention de demander des explications et, si possible, d’entrer dans la conversation, car il était toujours partant pour un brin de causette.
Le Grec et le Romain portaient la bouteille à la bouche en une alternance rythmique bien sympathique. Et ils parlaient. Ils parlaient beaucoup et quelquefois riaient.
Lourival resta à admirer la scène, un peu spectateur, avec un certain désir de jouer aussi un rôle. Alors qu’il posait la main sur le dossier de la chaise pour s’asseoir et donner son avis, en quelque langue que ce fût, un bruit de pas près de la porte l’obligea, une fois de plus, à tourner la tête.
Mário Henrique Leiria, Novos contos do gin, Estampa 1974
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