Interrogatoire
C’est ainsi, frère aimé, que l’on m’a amené le premier prévenu, qui était un tailleur de la ville, homme dont on disait que les capitaux étaient convenables et la réputation bonne. Certains murmuraient qu’il avait des sympathies pour les hérétiques, il était l’un de ceux tenus en tel soupçon qui n’avait pas été détenu par les enquêteurs venus ici avant moi. Alors que je me trouvais à la Collégiale, dans l’une des dépendances que j’avais choisie pour les interrogatoires, j’ai vu arriver ledit tailleur qui avait été mis aux fers, la tête blessée par les coups, brutalement poussé par les soldats de l’escorte qui l’amenaient et l’abreuvaient de noms honteux et méchants, qu’on ne peut donner à un homme. Voyant cela, je me suis levé, très en colère – que le Seigneur me pardonne de m’être laissé posséder par ce péché mortel – et aussitôt j’ai demandé aux hommes de l’escorte pourquoi ils m’amenaient le tailleur de cette manière.
‘Pourquoi amenez-vous le tailleur de cette manière ?’ ai-je demandé.
Les hommes de l’escorte se sont regardés sans comprendre, puis l’un d’eux a répondu.
‘Parce que c’est un suspect, parce que c’est peut-être un membre de la confrérie, comme ceux qui vous ont attaqué’, a-t-il répondu.
Je leur ai dit qu’en vérité nous ne savions pas s’il en était un.
‘Nous ne savons pas s’il l’est, pas plus que nous ne savons si les autres en étaient’, leur ai- je dit.
‘Vous traiterez les créatures avec plus de miséricorde’, leur ai- je dit encore, et je leur ai donné l’ordre d’ôter les fers au tailleur, et de se retirer, de me laisser seul avec lui et le scribe. Les hommes de l’escorte, parlant encore une fois, ont considéré ma volonté comme une grande imprudence.