Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour février, 2008

interview

Posté : 28 février, 2008 @ 7:12 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 1 commentaire »

fleurbleue.jpg

- Et quelle est votre relation avec l’auteur ?
- Aucune. Je ne le connais même pas. C’est un auteur anonyme.
- Cela ne vous perturbe pas, cela ne vous crée pas de problèmes d’identité, comme on dit?
- Nous ne sommes nous-mêmes que lorsque nous sommes des personnages et nous en avons pleinement conscience. Lorsque nous pensons, nous sommes rarement nous-mêmes. Nous sommes une pensée d’autre chose. Ainsi, en ne sachant rien de l’auteur, je me sens mon propre créateur et l’identité ne me touche pas. D’ailleurs l’histoire, l’histoire proprement dite…
- Cette jeune fille à qui vous montrez une fleur, et à qui vous dites de si jolis mots, près d’un pont, comment est-elle ? J’entends encore sa voix : « C’est tellement beau que cela ne peut pas avoir de nom !… » Y a-t-il aveu plus tendre et plus fort ?

(more…)

Exception

Posté : 27 février, 2008 @ 7:18 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | 33 commentaires »

lisboacastelo.jpg

Vue de Lisbonne

L’escale portugaise

*

L’escale fait sécher ses blancheurs aux terrasses
Où le vent s’évertue
Les maisons roses au soleil qui les enlace
Sentent l’algue et la rue.

Les femmes de la mer, des paniers de poissons
Irisés sur la tête
Exposent au soleil bruyant de la saison
La sous-marine fête.

Le feuillage strident a débordé le vert
Sous la crue de lumière,
Les roses prisonnières,
Ont fait irruption par les grilles de fer

Le plaisir matinal des boutiques ouvertes
Au maritime été
Et des fenêtres vertes
Qui se livrent au ciel, les volets écartés,

S’écoule vers la Place où stagnent les passants
Jusqu’à ce que soit ronde
L’ombre des orangers qui simule un cadran
Où le doux midi gronde.

Jules Supervielle, Débarcadères, 1925

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étonnement

Posté : 25 février, 2008 @ 7:57 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | 1 commentaire »

gateau.jpg

Je connais un poète
qui dit qu’il ne sait pas si la faim des autres
est un besoin de manger
ou simplement la faim du dessert d’autrui.

moi ce qui m’étonne
ce n’est pas son ignorance :
je suis habitué à ce que les poètes sachent beaucoup
sur eux-mêmes
et rien ou presque sur les autres.

ce qui m’étonne
c’est la distinction qu’il fait :
comme si avoir faim du dessert d’autrui
n’était pas
avoir besoin de manger
aussi.

Alberto Pimenta, Obre quase incompleta, Fenda, 1990

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assez

Posté : 24 février, 2008 @ 7:14 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 6 commentaires »

mabeco.jpg

Mabeco (Lycaon pictus)

Tout le monde sait déjà comment cette histoire va se terminer.
Permettez-moi, cependant, la tentative (certainement grossière) qui va suivre de rendre inhabituels les lieux-communs avec lesquels, faute d’un plus grand talent, je suis obligé de composer cette narration :
Noémia, le jour où ce récit commence, refusa de faire l’amour avec son mari, contrariant une pratique (une tradition ?) de plus de dix ans. Au bord de l’apoplexie, elle hurla :
- J’en ai assez, tu entends ? Assez !
De quoi en avait-elle assez ?
- Tu le demandes, espèce de salaud ? Tu as le culot de le demander ?
Je résume la révolte de Noémia : elle en avait marre d’être utilisée, comme un simple objet sans valeur, marre qu’il n’écoute jamais son avis (à elle), marre de ne faire que ce qu’il voulait, de devoir ouvrir les jambes chaque fois que ce mec avait envie de la baiser, marre, marre, marre.
Explosion inattendue. On sait que, après, Carlos resta à la fixer (je parle de la femme qu’il avait devant lui et que, subitement, il ne connaissait plus) comme un véritable imbécile, les genoux appuyés sur le lit, la bouche ouverte de stupeur, les bras ballants le long du corps, le sexe abruptement ramolli pendouillant entre ses cuisses. Une obscurité soudaine et visqueuse le priva lentement de la vue.

Premier flash-back

Lorsque Carlos l’avait rencontrée, Noémia avait peur des margouillats. Elle rêvait régulièrement de margouillats couverts de poils. Ses parents, extrêmement sévères, ne la laissaient pas sortir avec des garçons, « à moins que ce soit un fils de bonne famille ». Carlos était l’une de ces exceptions. Non, je ne vais pas énumérer les caractéristiques qui faisaient de lui, soi-disant, un « fils de bonne famille. » S’il n’est pas absolument interdit ( ?) au narrateur de prendre parti, je dirai simplement : il s’agissait, en réalité, d’un fils de pute. Il avait commencé, celui-là, à emmener Noémia au cinéma. Ensuite, il lui avait appris à danser. Finalement, le Grand Séducteur avait eu ce qu’il traquait, avec la persistance d’un mabeco galeux, depuis le premier instant : il l’avait dépucelée brutalement, par une nuit sans lune, et, par-dessus le marché, debout, appuyé au mur de la maison, en revenant d’un bal au club sportif. Noémia pleura comme une damnée, quand elle vit l’ignoble tache écarlate du péché gravée dans sa petite culotte. Carlos la secoua : « Espèce d’arriérée ! Tu laves cette saloperie vite fait dès que tu rentres ! Tes parents ne s’en apercevront pas… » avait -il hurlé. Elle avait avalé les hurlements par ses yeux en sang.

João Melo (Angola), « O criador e a criatura », in Imitação de Sartre e Simone de Beauvoir, Caminho, 2° ed, 1999

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la pêche au lecteur

Posté : 18 février, 2008 @ 7:15 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

piranha.jpg

 

Le lecteur est un poisson au milieu d’un banc. On ne vise jamais le banc entier, seulement un poisson. N’importe quel Indien pourrait en parler. N’importe lequel, si les Indiens parlaient des choses évidentes. Mais un Indien parle peu. Il écoute, il évalue, et plante sa lance dans le corps argenté. Le piranha frémit, ses ouies s’ouvrent et ses yeux contemplent le ciel pour la dernière fois. Et il ne s’échappe plus. Une flèche, un poisson. Jamais tous en même temps. Vera savait ça. Même si elle n’avait encore jamais vu un iguarapé, ce lac né parmi les arbres, ou bien à peine un cours d’eau qui coule, limpide, entre les étroites parois d’un ravin dans la montagne. Elle croyait que sa survie dépendrait du fait de garder son attention constante, les yeux sur sa proie. Elle corrigea page par page. Simplifia les phrases jusqu’à ce que la plus simple des hôtesses de l’air puisse les comprendre. Elle coupa les périodes trop longues ou plus élaborées, tout en retenant la mèche blonde qui s’obstinait à lui troubler la vue.
- Mon livre parle de sentiments. D’histoires d’amour banales. On n’a pas besoin que ce soit trop compliqué… Pourquoi tout gâcher avec des prétentions intellectuelles ? Et, pendant qu’elle raturait les pages, elle s’ôtait de l’esprit le plaisir que Hesse lui avait donné. [...] Pourquoi compliquer ce qui devrait rester simple ? Elle visualisa son petit poisson-femelle : seule, muette, assise sur le canapé, sans personne à appeler. La télé allumée. Encadrée dans sa tête, la photo de l’homme qui n’avait pas voulu d’elle. Oh, non. Il ne manquerait pas de poissons dans cet iguarapé.

Possidónio Cachapa, Rio da Glória, Oficina do livro, 2006

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Nouvelles visites

Posté : 17 février, 2008 @ 7:10 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

ledictateur.jpg

Charlie Chaplin ( Le Dictateur)

 

(L’écrivain Lourival a déjà accueilli successivement Alexandre le Grand, Jules César et Napoléon… )

Quand la porte d’entrée fut poussée avec une violence inutile, personne ne regarda, sauf Lourival qui, malgré tout, était le maître de maison.
Avec sa mèche tombant sur le sourcil, rabougri et tête nue, mais encore reconnaissable, pour le moins à sa minuscule moustache et la swastika qui se détachait sur le brassard rouge qui entourait sa manche, Adolf entra, brandissant le bras.
- Sieg Heil, dit automatiquement Lourival les mains en avant pour prévenir un quelconque dommage imprévu.
Dehors l’orage était arrivé de manière subite et agressive, rayant de zigzags le soleil qui disparaissait. Vibrant de coups de tonnerre prolongés.
Adolf avait commencé à parler, incompréhensible comme toujours.
Alors, pour la première fois, la porte arrière qui donnait sur la cuisine s’ouvrit.
Tout le monde se tut.
La voix monocorde, fatiguée et geignarde affirma, avant que son propriétaire fût entré dans la pièce :
- Nous devons nous souvenir que nous sommes un pays de gens humbles. Nous devons savoir que la patrie nous oblige à vivre la charrue dans une main et l’épée dans l’autre, et avec économie…
Lourival ne voulut pas en entendre davantage, il ne regarda même pas. Il ne pouvait déjà plus supporter de savoir qui c’était, celui-là. Il se dirigea d’un bond vers la porte de devant, qui était toujours ouverte.
Dehors la pluie avait cessé. Le tonnerre aussi. Il n’y avait qu’une lumière vague et inutile qui enveloppait la maison. Et le cri inattendu d’une chouette.
Il regarda autour de lui, pour voir s’il n’y avait pas là un paysan quelconque, les mains dans les poches et l’œil bovin. Il n’y en avait pas. Il sortit et courut discrètement jusqu’à la cour, à l’arrière, où était garée la vieille Fiat toujours opportune.
Le soleil avait disparu et les choses paraissaient plongées dans une pénombre oscillante.
Il monta dans la voiture, mit le moteur en marche et appuya sur l’accélérateur, démarrant brutalement. La petite voiture roula sur le sentier, jusqu’à la route principale.
Il freina alors, mit la tête à la portière et jeta un dernier regard à la pauvre maisonnette qui, là en haut, continuait à exister.
Au milieu de l’obscurité croissante la maison se détachait sur un nuage rougeâtre et insensé qui l’enveloppait comme une sphère fluide.
Il rentra la tête. Et mit le pied sur le champignon. Le plus fort possible.

Mario-Henrique Leiria, « Regressos« , Novos contos do Gin, 1974

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Amour du fado

Posté : 15 février, 2008 @ 8:04 dans - époque contemporaine, musique et chansons | 2 commentaires »

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Dulce Pontes Amor a Portugal

Se laisser porter…

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peuple sans voix

Posté : 12 février, 2008 @ 8:10 dans littérature et culture, Poesie | 14 commentaires »

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Xanana Gusmão

premier ministre du Timor oriental


Notre cri c’est le silence
Dans le passage du temps
Et le temps c’est le sang
Dans le silence du monde !

[...]

Notre temps c’est le silence
Dans les changements du monde
Et c’est le sang qui est le prix
dans les mondes du silence !

- Ecoutez, mondes !
Ecoutez, gens du pouvoir !
Vous avez béni le massacre dans des cathédrales,
enterré la tragédie dans les investissements
et défié notre conscience
et réprimé nos envies.

- Ecoutez, écoutez votre responsabilité !
Vous avez trahi vos propres principes,
manipulé vos propres normes,
vous nous avez incarcéré dans la realpolitik
et tués dans le respect des droits de l’homme.

… Nous sommes un peuple sans voix
à l’âme sans frontière avec la douleur
au corps esclave ouvert au temps
Patrie – un cimetière d’intérêts !
Notre lutte…
c’est l’histoire
du pouvoir du silence !

Xanana Gusmão , « Povo sem vozes »

Sous contrôle portugais jusqu’en 1974, après la révolution des oeillets, le Timor Lorosae a été annexé de force par l’Indonésie en 1975. En 1999, la province est administrée provisoirement par les Nations Unies avant de devenir un État souverain depuis le 20 mai 2002.

Xanana Gusmão, leader de la lutte de libération de son pays, qui a duré 24 ans, a été condamné à la prison à vie en 1992 par le régime de Djakarta. Nelson Mandela lui a rendu visite en 1997, et a intercédé pour sa libération. Libéré en 1999, il deviendra le premier président de son pays. Actuellement premier ministre, il a été victime, avec le président (prix Nobel de la paix ) José Ramos-Horta, d’un attentat le 11 février. L’état d’urgence a été décrété.

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