Non intervention
Tête dans la lune, huile de Catherine Scharbach
Qu’on me permette, cependant, de me présenter. Je ne suis pas le psychanalyste payé à prix d’or pour accompagner l’évolution d’un cas dont les aspects exotiques constitueraient sans aucun doute une alternative au bavardage ennuyeux de la clientèle qui assurent la stabilité d’un commerce à bon marché, tel qu’est celui de l’analyse. Je ne suis que le Narrateur. Un narrateur discret, jusque là, non-intervenant par précaution et par honneur. Depuis le début, je me suis montré tolérant. Je n’ai risqué aucune sorte d’intromission dans la genèse du projet. Je n’ai influencé ni l’écriture, ni le sens des lettres. Et je n’ai pas manifesté la moindre envie de m’immiscer dans les raisons invoquées pour atteindre l’autre en plein cœur par le simple fait que la figure adoptée m’a, moi aussi, pris complètement par surprise. [...] Je suis un Narrateur professionnel, Alcino et ses partenaires sont des amateurs, voilà la vérité. Mais je suis ici pour les aider aimablement à sortir du salmigondis dans lequel ils se sont fourrés. Ou pour l’aider lui, si, comme je le pense, cette histoire de trois en un ne tient pas debout.
En bref, je nommerai désormais Sujet, chaque fois que possible, l’homme partagé en trois, cousant ensemble, ainsi, les morceaux des hétéronymes. Il est bon de commencer par restaurer l’unicité de la créature, même si le chemin est long jusqu’à la perfection. But qu’il m’est possible d’atteindre, je l’espère, avec la collaboration de Sandra [...]. Je la connais à peine, bien entendu. Ce que je sais d’elle, je l’ai appris par les récits du Sujet. Je n’ai pas idée, même de façon approximative, de qui est Sandra aujourd’hui. Je suis à peine capable de distinguer les modifications des traits de personnalité indispensables à la création d’un être littéraire – c’est aussi l’un des objectifs de mon intervention.
Júlio Conrado, Estação ardente, Campo da comunicação, 2006
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