Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour le 23 juin, 2008

Sacrifice

Posté : 23 juin, 2008 @ 7:00 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

 

 

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L’esclavage au Brésil, Jean Baptiste Debret (1768-1848)

Le manuscrit que j’avais intercepté, et que je soumettais maintenant à cet homme singulier, était vraiment énigmatique. Il s’agissait d’un fragment de document ancien gribouillé au verso. Il se trouvait à l’intérieur de l’outre, formant un petit rouleau, dissimulé dans un morceau de chiffon sale cousu par une main maladroite, et il entourait quelques mauvaises herbes – il était en tout point semblable à ces amulettes caractéristiques des sorcières, également répandues chez les africains.
Mendo Antunes – qui, selon lui, avait appris cette langue lors de ses voyages en Afrique – put lire, non sans difficulté, ce qui suit :


múcua njinda
cariapemba uabixe
uajibe tata uajibe mama
uajibe dilemba uajibe muebo
uajibe quitumba bunjila
ni dicata buquicoca

- Intéressant, dit-il, j’ai l’impression de connaître ces vers. Je ne me rappelle pas d’où.
De ce qu’il appelait des vers, ou de quoi que ce fût, il donna la traduction suivante : « Sauvage, le diable est venu. Il a tué le père ; il a tué la mère ; il a tué l’oncle ; il a tué le neveu ; il a tué un aveugle sur la piste ; un infirme sur le chemin ».

Je regardai l’armateur avec un profond découragement. Ceci ne contenait aucune donnée objective. On aurait dit une conjuration, une formule incantatoire, une prière de sorcière, dépourvue de signification ou de but défini. Finalement, nous n’avions rien de plus, aucune piste. Et c’était inquiétant que dans la circonstance des gens de ma maison fussent mêlés à cette fraternité qui surgissait alors plus pernicieuse et terrifiante que l’armée des Bataves.
Soudain, on entendit des cris dans la rue.

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