Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

saudade

Classé dans : - moyen âge/ XVIème siècle,littérature et culture — 25 juin, 2008 @ 12:34

 

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Je choisis pour mon contentement (s’il en existe un dans la tristesse et les chagrins) de venir vivre sur cette hauteur où le lieu et l’absence de commerce avec les humains convinssent à mon malheur, car cela eût été une grave erreur, après toutes les peines que j’avais eues, de me risquer à espérer du monde le repos qu’il n’a donné à personne. J’étais ainsi seule, si loin de tout le monde et encore plus de moi-même, là où je ne vois rien d’autre que des montagnes qui jamais ne changent, d’un côté, et de l’autre la mer dont les eaux ne sont jamais calmes, où je croyais déjà que j’oubliais la malchance parce qu’elle et moi, avec tout le pouvoir dont nous étions toutes deux capables, nous ne laissions en moi rien en quoi puisse trouver place un nouveau chagrin. Car il y avait longtemps que la tristesse occupait la place, non sans raison. Mais il semble que les malheurs sont remplacés par d’autres malheurs, alors que le bien ne l’était pas par un autre bien. Et ce fut ainsi que, destin étrange, je fus emmenée dans un lieu où me furent représentées devant les yeux, dans des histoires qui ne me concernaient pas, toutes mes angoisses. Et mon sens de l’ouïe ne fut pas épargné par la douleur.
Là, je compris alors, par la pitié que j’eus d’autrui, que j’aurais dû en avoir autant pour moi-même, si je n’avais pas été excessivement plus amie de ma douleur qu’il semble que le fut de moi celui à qui je la dois. Mais grande est la cause de ma tristesse, car aucun malheur ne m’arriva que je ne l’eus cherché. De là m’apparut que cette situation nouvelle dans laquelle je me vois à présent, je commençais déjà à y aspirer lorsque ce pays, où cela m’arriva, m’agréa plus que tout autre pour y venir finir le peu de jours que je croyais qu’il me restait à vivre. Mais en cela, comme en d’autres choses, je me suis également trompée, car cela fait maintenant deux ans que je suis ici, et je ne peux même pas déterminer quand m’attend mon heure dernière. Elle ne peut déjà plus tarder.

Bernardim Ribeiro, Mémoires d’une jeune fille triste (Menina e Moça), Phébus, 2003

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2 commentaires »

  1. Chère Lusina,

    Quelle belle maison et quel beau texte…

  2. lusina dit :

    Ils se correspondent si bien… malgré leur différence d’âge !

    Merci de ta visite, Catherine !

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