Voyage retour
L’île de Santa Maria (Açores)
Qui était réellement Christophe Colomb, et surtout, pourquoi, pour qui, a-t-il découvert l’Amérique ?
L’histoire officielle nous dit qu’il était génois, qu’il est arrivé au Portugal (à la nage,lors d’une tempête !) en 1474, y a épousé Filipa Moniz Perestrelo, fille du navigateur Bartholomé Perestrelo, dont il a eu un fils, Diogo, et y a vécu dix ans, plus précisément dans l’île de Madère.
En 1483, il propose au roi Dom Joao II du Portugal, successeur de Dom Dinis (le troubadour amis des Templiers et fondateur de l’Ordre du Christ), de trouver la route des Indes en navigant vers l’Ouest. Celui-ci refuse, car tout en sachant que c’est possible parce que la Terre est ronde, il pense que le voyage serait beaucoup trop long.
Après la mort de sa femme, Colomb part pour l’Espagne offrir ses services aux Rois Catholiques, Isabelle et Ferdinand. L’idée est soumise à une commission de sages d’un Collège dominicain, qui met quatre ans pour conclure que c’est irréalisable, vu que la terre est plate. En 1488, Colomb retourne au Portugal pour renouveler sa proposition, mais il assiste à Lisbonne à l’arrivée de Bartolomeu Dias, qui vient de passer le Cap de Bonne Espérance, dernier obstacle pour parvenir aux Indes en contournant l’Afrique. Dom Joao II n’a donc plus besoin de lui. Il retourne en Espagne, où il s’est marié avec Beatriz de Arana. En 1492, les derniers Maures se rendent à Grenade, et dans l’euphorie de la victoire, la reine Isabelle lui donne le feu vert.
Le nom sous lequel était connu Colomb – Colombo (tel qu’il apparaît dans les documents au XVe) était Colom ou Colón, ou Guerra. Son prénom (Cristobal, Cristovam) était abrégé par les Espagnols en Xpovam ou Xpoval. Tous les documents signés de son nom sont signés « Colom « ou « Colón ».
D’autre part, on trouve dans une lettre du Duc de Medinaceli au cardinal de Mendoza, du 19 mars 1493 (document 14 de l’archive de Simancas ):« Cristobal Colomo, qui venait du Portugal et voulait aller voir le roi de France, est resté longtemps chez moi. » Et plus loin dans la même lettre : «en ce temps, Cristobal Guerra et Pedro Alonso Nino ont fait la découverte, avec la flotte de Hojeda et Juan de la Cosa. »
Extrait de la première édition de la Legatio Babylonica, de Pietro Martin d’Anghiera, (1515) : Colomb est identifié comme « Colonus vero Guiarra. » Seconde édition (1530) : Colonus vero Guerra ».
Document 37 de l’archive de Simancas, du 28 juillet 1500, un ordre adressé à un certain Afonso Alvares, à qui « leurs majestés ordonnent de se rendre avec Xpoval Guerra à la terre nouvellement découverte. »
Après sa mort, son fils portugais, Diogo Colom, a intenté un procès à la Couronne de Castille, Pleyto com la Corona. Les audiences ont débuté en 1512 et se sont terminées en 1515. Tous les marins et les capitaines ayant participé aux découvertes ont été entendus et ont juré sur la Bible. Dans la déposition du maître pilote Nicolas Perez :
« Le vrai nom de Colom était Guerra ».
On trouve la première référence au nom de Colombo en 1494. En 1493, le navigateur écrit une lettre de Lisbonne pour annoncer la découverte de l’Amérique, lettre publiée à plusieurs endroits. Dans l’édition de Basileia, un évêque italien a rajouté un épigramme : « merito referenda Colombo gratia. » Les auteurs italiens reprendront ensuite ce nom latinisé.
(En revanche, dans l’histoire maritime de Gênes, on ne trouve aucune mention de la découverte de l’Amérique par un compatriote.)
************************************************************************************
Lors du premier voyage, en 1492, Colom atteint les Antilles et prend contact avec les indigènes qu’il baptise « Indiens », faisant jurer à son équipage que cette terre était l’Inde. [...]
Le voyage de retour est surprenant : au lieu de rentrer par l’Est en direction des Iles Canaries avec le capitaine de la Pinta, il fait route vers le Nord et l’Arctique avec la Niña. Maintenant, nous savons que son choix était judicieux, puisqu’en cette saison soufflent les alizés favorables. Mais, si comme le prétend la thèse officielle, personne ne s’était jamais risqué dans ces eaux, comment le savait-il ? Soit il avait été informé par des marins portugais qui croisaient dans ces parages en secret, soit plus probablement par son « espicial amigo », comme l’appelle Dom Joao II dans une lettre dont nous verrons le détail plus loin, qui possédait les rapports de ces navigations secrètes.
Après avoir fait route vers le Nord, Nord-Est pendant deux semaines, il met le cap sur la zone des vents variable, vers les Açores, où, pris dans une tempête, il jette l’ancre sur l’Ile de Santa Maria. Bartolomeu de Las Casas rapporte qu’il a refusé de changer de cap, ce qui prouve son intention d’aborder aux Açores.
Dans un premier temps, la caravelle castillane est bien accueillie par les Portugais, on envoie un canot avec des vivres. Mais plus tard, des marins allés à terre prier dans une chapelle ne reviennent pas : ils sont retenus sur l’île. Puis arrive un bateau qui exige que l’amiral se rende. Celui-ci lève l’ancre et tente de rejoindre l’Ile de Sao Miguel avec son équipage réduit, mais la tempête l’empêche d’accoster et il retourne à Santa Maria. Lorsqu’on lui renvoie ses marins, ils annoncent qu’on les a libérés parce que Colon seul fait l’objet d’un mandat d’arrêt du Roi.
Or, l’ordre d’arrêter Colom pour trahison à cause de sa participation à un complot avait été révoqué par la fameuse lettre de Joao II, qui faisait office de sauf-conduit. D’une part, il ne devait pas l’avoir emportée avec lui, et d’autre part le gouverneur de Santa Maria, loin de Lisbonne, pouvait ne pas être au courant de cette révocation.
Voici ce sauf-conduit, écrit après la seconde proposition de Colom de se mettre au service des Portugais :
Xpoval Colom.
Nous Dom Joham, par la grâce de Dieu Roi du Portugal et des Algarves, d’ici et d’outre-mer en Afrique, Seigneur de Guinée, nous envoyons nos salutations. Nous avons vu la lettre que nous vous avez écrite, et l’affection et la bonne volonté dont vous faites preuve pour vous mettre à notre service, et nous vous en remercions. En ce qui concerne votre venue ici [...], nous la désirons et en aurons grand plaisir. [...] Par cette lettre, nous vous assurons que vous pourrez venir, séjourner et repartir, que vous ne serez ni arrêté ni retenu, ni accusé ni cité à comparaître, ni recherché pour aucun motif civil ou criminel. Par la présente, nous ordonnons ceci à notre justice. Et nous vous prions de venir aussitôt que possible sans crainte, nous vous remercions et vous en serons reconnaissant.
Ecrite à Avis, le vingt mars 1488. Le Roi.
Colon, incapable de prouver sa bonne foi à Santa Maria, avait sans doute des raisons de penser qu’à Sao Miguel on savait la vérité.
Logiquement, après son périple aux Açores, il aurait dû rentrer directement en Castille se jeter dans les bras des Rois Catholiques pour recueillir la gloire de sa découverte. Mais la logique, là aussi, est bouleversée :
Une autre tempête le conduit à Lisbonne… les vents contraires conspirent pour le jeter dans la gueule du loup ! Pourtant, les participants au voyage qui ont témoigné lors du procès, le Pleyto con la Corona, évoquent bien la tempête aux Açores, mais ne font aucune mention d’une tempête les ayant détournés vers Lisbonne. Colom accoste au Restelo le 4 mars 1493, à côté du grand navire appartenant au Roi. Lorsque le capitaine se déplace pour lui demander ce qu’il fait là, il répond qu’il ne parlera qu’à son « espicial amigo », le Roi du Portugal. Le 9 mars, on l’emmène au palais royal de Azambuja, où Dom Joao II lui baise la main pour l’accueillir et où ils échangent quelques mots en privé avant de se diriger vers la grande salle où se trouvent les personnalités illustres de la Cour.
Les chroniqueurs donnent des versions différentes des faits. Hernando Colón, son fils espagnol, dit que le monarque a écouté d’un air intéressé le récit du voyage, tout en faisant remarquer que selon le Traité d’Alcáçova/Toledo, les terres découvertes appartiennent au Portugal.
Ruy de Pina, qui a sans doute assisté à l’entretien, rapporte que le Roi était contrarié et que Colom l’a agressé verbalement, l’accusant de négligence pour ne pas lui avoir fait confiance à temps, propos si offensifs que les nobles présents décident de le tuer, privant du même coup la Castille de sa sensationnelle découverte. Toutefois, Dom Joao II les en empêche, continuant à traiter son visiteur avec courtoisie, le faisant asseoir – ce qui était un grand privilège – à leur grande surprise. Mieux encore, il donne l’ordre qu’on fournisse la caravelle castillane tout ce dont elle a besoin avant d’appareiller. Le jour suivant, nouvelle conversation entre Colom et le Roi, qui lui promet de lui fournir toute l’aide dont il a besoin et le traite toujours avec respect. Le 11 mars, Colom prend congé, escorté par les nobles qui ont voulu l’assassiner avec tous les honneurs.
Or, Las casas décrit Colom comme un homme courtois, sobre, incapable de violence verbale. D’autre part, le Roi n’avait pas hésité à poignarder lui-même ou à condamner à mort les nobles impliqués dans la conspiration, dont certains faisaient partie de sa famille.
Leur comportement à tous les deux ne s’explique que s’ils ont voulu monter une mise en scène à l’intention des Castillans. En vérité, le Roi du Portugal avait tout intérêt à ce que les Castillans « découvrent » l’Amérique. Cela leur laissait les mains libres pour préparer le grand voyage de Vasco da Gama vers les Indes, le véritable exploit des Grandes Découvertes.
Mais Colom, en partant de Lisbonne, au lieu rejoindre enfin la Castille dans sa caravelle, repart par terre à Vila Franca de Xira, pour rencontrer la reine qui se trouvait dans un monastère, car elle avait fait partie du complot avec son frère le Duc de Viseu, poignardé à mort par le Roi. Colom avait probablement des liens de sang avec eux, pour être si proche de la reine et avoir un entretien avec elle qui se prolonge jusqu’à la nuit, comme le rapporte Las Casas. Le nouveau Duc de Viseu, autre frère de la reine, qui n’était autre que le futur Roi Dom Manuel, était présent.
La nuit du 11 mars, Colom a dormi à Alhandra. Le matin suivant, un écuyer du Roi s’est présenté pour lui proposer de l’escorter par terre jusqu’en Castille, lui fournissant le gîte et le couvert en route. Mais l’amiral préfère regagner la Niña, et lève l’ancre de Lisbonne le 13 mars.
Ici encore, au lieu de faire route vers la Castille, il fait escale à Faro, où personne ne sait ce qu’il a fait pendant un jour entier. Enfin, il arrive en Castille le 15 mars.
En bref, il s’est comporté non comme un étranger pressé de regagner le pays dont il était serviteur, mais comme un Portugais à l’aise dans son pays.
Evidemment, l’équipage castillan a trouvé cela étrange.
Dans une lettre à la Reine que Colom écrit en captivité en 1500, à Dona Juana de la Torre, on trouve cette phrase :
Je crois que votre altesse en sera d’accord, quand la tourmente m’a conduit à Lisbonne, j’ai été faussement accusé d’être allé voir le Roi du Portugal pour lui livrer les Indes.
En fait, on peur penser que Colom est devenu dès 1488 un agent de Dom Joao II. La conversation de Lisbonne en 1493 n’aurait eu alors pour but que de faire un point de la situation et prévoir la stratégie qui conduirait au traité de Tordesillas.
****************************************************************************
Cette histoire très documentée et convaincante, est racontée dans le roman de José Rodrigues dos Santos, O Codex 632, publié au Portugal en 2005 par Gradiva et traduit depuis en 11 langues, mais hélas pas en français…
Les droits du livre ont été achetés par Hollywood, ce qui nous promet un film passionnant…
4 commentaires »
Flux RSS des commentaires de cet article.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.
je lis je lis
et j’apprends plein de choses
je ne sais pourtant pas trop commenter(pas assez cultivée !)
mais je suis fidèle quand j’aime
bisous
jade
Dernière publication sur jade : Lecture
Merci, Jade !
C’est vrai que c’est instructif…
oui, cela rejoint bien la thèse développée par Oliveira dans son film, décidément c’est passionnant.
Cette thèse existe depuis longtemps… Je la connaissais, mais j’ai été enthousiasmée d’avoir des détails !