La geste d’Afonso Henriques
Afonso Henriques
Le comte dom Henrique livra maints combats contre des Maures et des Léonais. Ce comte dom Henrique mourut à Astorga, qui était sienne, et il avait alors assigné la ville de Léon qui, si au bout de quatre mois l’empereur ne venait pas la secourir, serait sienne avec ses conquêtes. Mais il mourut au cours de ce délai de quatre mois. Quand il mourut à Astorga, il appela son fils dom Afonso Henriques et lui dit : « Fils, toute cette terre que je te laisse d’Astorga à Coimbra, n’en perds pas un seul empan, car je l’ai gagnée à grand peine. Et, fils, prends un peu de mon coeur, pour être vaillant et compagnon des gentilshommes, et donne-leur toutes leurs soldes. Et aux Conseils, rends-leur honneur, de sorte qu’ils aient tous leurs droits, aussi bien les grands que les petits. Et fais toujours justice et garde en elle une foi sans faille, car si un jour tu cesses de faire justice d’un empan, sitôt le lendemain elle s’éloignera de toi d’une brasse, et de ton cœur. Et donc, mon fils, aies toujours la justice en ton cœur et tu auras Dieu et les gens. Et ne consens en aucune manière que tes hommes soient orgueilleux ou effrontés, ni qu’ils fassent du mal à quiconque, ni qu’ils médisent, car tu perdrais ton bon prestige si tu ne le défendais pas. Et appelle maintenant ceux d’Astorga et je te ferai recevoir l’hommage de la ville. Et retourne-t-en aussitôt, et ne m’accompagne pas au delà de la sortie de la ville, ainsi tu ne la perdras pas car d’ici tu conquerras tout ce qui est plus loin. Et je commande à mes vassaux qu’ils aillent m’enterrer à Santa Maria de Braga, que j’ai peuplée ».
Henri de Bourgogne et Dona Teresa (Musée de la marine, Lisbonne)
Le comte dom Henrique mourut et ils se préparèrent tous à l’emmener. Et dom Afonso Henriques demanda aux vassaux s’il devait aller avec son père à Braga et ils lui dirent d’y aller et de ne pas s’inquiéter pour la terre. Et il alla enterrer son père à Braga et, pendant qu’il était allé l’enterrer, ils lui prirent toute la terre de Léon qu’il tenait pour sienne, mais ils ne lui prirent pas la Galice, car ils ne le purent pas. Après cela il fit envoyer un défi à l’empereur et lui rendit son amour, et s’en retourna aussitôt au Portugal, et il ne trouva pas d’endroit où se réfugier, car toute la terre s’était soulevée contre lui avec sa mère. Et celle-ci avait épousé le comte dom Fernando de Trastamar qui était en ce temps-là le meilleur homme d’Espagne qui ne fût pas roi. Afonso Henriques vola deux châteaux à sa mère : l’un était Nenha et l’autre le château de Feira, qui est en terre de Santa Maria ; et avec ces [deux châteaux] il livra une guerre très dure à son parâtre.
Et le comte D. Fernando dit : « Afonso Henriques, ne poursuivons pas ce combat. Battons-nous une journée, et soit ce sera nous qui partirons, soit vous. »
Afonso Henriques répondit alors : « Cela ne devrait pas plaire à Dieu, car vous voulez m’arracher à la terre de mon père ».
Et sa mère dit alors : « Mienne est la terre et mienne elle sera, car mon père, le roi dom Afonso, me l’a laissée ».
Et le comte lui dit à elle : « Ne parlons plus de cela : soit nous vaincrons soit nous laisserons la terre à votre fils, s’il est plus puissant que nous ».
Et ils convinrent que la bataille serait à Guimarães.
Et la reine dit : « Comte, avec vous je veux entrer dans la bataille, et je serai à vos côté dans la bataille et vous devrez le faire pour l’amour de moi. Et de toute manière prenez Afonso Henriques, mon fils, car vous êtes plus puissant que lui ».
La bataille eut lieu à Guimarães et Afonso Henriques fut défait et fort maltraité. Et, comme il allait à une lieue de Guimarães il rencontra Soeiro Mendez, qui venait à son aide, et lui dit : « Que se passe-t-il ? où allez-vous comme ça, Seigneur ? »