Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

prophase

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 3 octobre, 2008 @ 8:05

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Tout événement fixé par la mémoire individuelle n’était rien d’autre, pour Klober, que la conséquence éloignée d’une performance d’équilibrisme : des actes donnés d’êtres vivants possédant une certaine volonté intellectuelle interféraient sur des choses immobiles ou non, et de la rencontre entre ces deux mondes sortait un résultat, un effet objectif qui, s’il existait pour l’expérience pratique de la vie une science avec des méthodes aussi perfectionnées que celles de certaines activités de laboratoire, pourrait même être exprimé par un nombre concret, définitif, compris par tous. Comme ce n’était pas le cas, c’est à dire, comme la perception individuelle s’écartait d’une science collective qui comprendrait et expliquerait ce qui arrive, chaque mémoire restait précisément ceci : individuelle, différente de l’autre, marquant un éloignement. Si un groupe de gens avait exactement la même mémoire ce ne serait pas un groupe mais une existence unique. Par conséquent, parler de la mémoire collective d’un peuple était une énorme absurdité, mais, en même temps, une excellente stratégie de la patrie. L’Histoire que l’on enseignait aux enfants était évidemment une tentative d’établir dans les jeunes intelligences une formule pour la mémoire, limitée et quantitative. Apprendre l’Histoire d’un pays, c’était, pour les plus attentifs, perdre sa mémoire individuelle. C’est l’enseignement qui commence à annihiler le citoyen, disait Klober. Quand on dit : il faut que tu connaisses les faits historiques qui concernent ta nation, on dit en vérité : il faut que tu oublies que tu as une mémoire individuelle qui fonctionne toute seule. Que ta mémoire ne commence pas à fonctionner avant que nous la occupions, c’est ce que pensent ceux qui nous enseignent, disait Klober. Pas étonnant qu’il y ait plus de cinquante ans qu’il n’est pas né un génie : qui pourrait être créatif, véritablement, en étant très tôt enivré par l’Histoire ?

Gonçalo M. Tavares, A máquina de Joseph Walser, Caminho, 2004.

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