Une fable
On raconte qu’un laboureur avait semé du lin dans un champ. Et que l’hirondelle, voyant cela, fit rassembler tous les oiseaux qu’elle put trouver et leur dit :
- Voyez-vous ce lin qui est semé ici ? Il sera le motif de notre mort. Efforcez-vous de détruire la semence avant qu’elle naisse, car ce paysan veut faire de ce lin des filets et des lacets pour nous attraper ; je le sais parce que je dors dans sa maison et que, comme il ne fait pas attention à moi, je l’ai entendu le dire.
Et les autres oiseaux la prirent pour une folle et se moquèrent d’elle.
Après quelque temps, le lin se mit à pousser. Et l’hirondelle rappela les oiseaux et leur dit que, puisqu’ils n’avaient pas voulu manger la semence, ils devaient à toute force écraser les pousses avec leurs pattes avant qu’elles ne croissent davantage. Et les autres oiseaux se moquèrent d’elle à nouveau et refusèrent de le faire.
Lorsque le lin fut grand, le laboureur en fit des filets et des lacets et attrapa beaucoup d’oiseaux. Alors ceux-ci se souvinrent du conseil de l’hirondelle et dirent :
- Malheureux que nous sommes ! Nous n’avons pas voulu croire le bon conseil de l’hirondelle !
Dans ce conte le sage nous enseigne que nous serons prévenus du temps qui viendra et que nous ne devons mépriser le bon conseil de quiconque, aussi petit fût-il ; et aussi que nous ne devons jamais être sûrs de ce qui est dangereux ou inoffensif, car ceux qui sont trop confiants se trompent quelquefois.
Fable XLVIII du manuscrit Fabulae Aesopi in linga lusitana, publié par José Leite de Vasconcelos dans la Revista Lusitana, vol. VIII et IX (1903-1906)