Sortilège
Scène de village en Algarve, détail (tissu appliqué d’Evelyne Régnault)
Si, la nuit précédente, elle [Zinga Cristina] avait attaché de l’importance au reportage de la RTPI, elle aurait peut-être pu imaginer ce qui était en train de se passer dans l’esprit de son nouvel amant portugais. Mais elle n’écoutait que les nouvelles de Globo, lesquelles, dit-on, sont moins fantaisistes que les journaux de la presse lusitanienne en ce qui concerne l’Angola. Ce qui s’était passé, c’est que Joaquim Manuel da Silva, on ne peut plus perturbé par le reportage auquel il avait assisté la veille, s’était dirigé, tôt le matin, vers le consulat portugais de Luanda, pour demander au fonctionnaire qui l’avait reçu si par hasard il savait quelque chose de l’arrivée imminente en Angola d’un groupe de femmes portugaises qui venaient chercher leurs maris. Il avait posé la question exactement comme ça, tout d’un coup et quasiment sans respirer, avant d’avoir le temps de regretter son initiative. Pris au dépourvu, le fonctionnaire eut besoin de quelques secondes avant de tenter de répondre.
- Quoi ? Des femmes ? Quelles femmes ? Et, dites-moi un peu, où sont les maris de ces femmes ? commença-t-il, comme s’il prenait son élan en vue d’une réponse plus articulée. La vérité, pourtant, c’était qu’il n’avait absolument aucune idée de ce dont ce type à l’air hagard était en train de parler.
Joaquim comprit.
- OK, dit-il, j’ai dû me tromper…
Toutefois, il ne renonça pas.