Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour le 29 octobre, 2008

Brises

Posté : 29 octobre, 2008 @ 6:05 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 5 commentaires »

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La faim était si grande que les gens commencèrent à déshabiter leur corps, à la recherche de nourritures plus faciles. Voici comment ils procédaient : sans en avoir l’air, ils laissaient leur faible dépouille contre un mur d’adobe, ou alors simplement où elle se trouvait, étendue sur l’herbe sèche ou la terre battue. Ensuite, d’un brusque sursaut, ils s’absentaient pour une transportation aérienne, tout comme le vent. Ainsi pouvaient-ils s’alimenter de pollen, de la partie comestible des poussières, et même de la surface immobile des mares. Repus de vide, ils revenaient, prolongeant leur survie. Quand on les trouvait ainsi, creux d’eux-mêmes, les humanitaires les supposaient cadavres, sans âme. Mais ce n’en était pas. Plus d’une fois les opérations funéraires sur un corps furent suspendues, à cause du retour subit de son légitime habitant, revenu à la vie et rénové par ces gazeuses transfusions. En plus de ces avantages évidents, le procédé permettait aussi d’abuser les balles et les éclats de métal, et encore bien davantage toutes les armes coupantes, javelots ou armes de poing, et même de traverser les lignes ennemies. Le seul désavantage, quelquefois très grave, était le déplacement d’air qui, dans le cas de l’explosion d’une bombe ou de mines, pouvaient envoyer très loin de leur enveloppe charnelle les promeneurs éthérés, ne leur laissant pas l’opportunité de revendiquer à temps leur statut de vivants. Dans ce cas les rebuts d’os et de peau allaient à la fosse commune, rendant difficile sinon presque impossible le retour des âmes errantes à leurs adresses respectives. Un autre danger, qui affectait surtout les tout-petits, était d’être aspirés d’un seul coup par un poumon étranger de visiteur bien nourri, et de s’y accommoder sans plus d’envie de retourner dans l’air raréfié.

 

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La revenante

Posté : 29 octobre, 2008 @ 8:04 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Un moulin à eau dans la Serra de Monchique

- Ça me tue, il faut que je le dise : depuis le jour où j’ai vu Virgolina morte, je n’ai jamais cessé de la voir vivante. C’est elle qui me rend fou, je ne sais plus ce que je fais…
Il cracha sur le côté, mit les mains au fond de ses poches, et prit la porte.
Lentement, les autres posèrent les cartes. L’un d’entre eux les rassembla et, absorbé, se mit à les battre. Tous étaient silencieux. Ils ne se regardaient pas.
A partir de là, honteux de le dire, mais obligés de le faire, ils commencèrent, un à un, à voix basse et sur un ton de confidence, à se révéler les uns aux autres le secret qui leur appartenait à tous.
- Il n’y a pas que le Zé d’Aurora qui voit des choses : moi aussi je suis ensorcelé… Virgolina ne me laisse pas en paix.

Et pendant qu’ils se libéraient de leur souci constant, ils se sentaient un peu soulagés du mal qui faisait d’eux des frères. Petit à petit, ils racontèrent que, depuis le jour où ils l’avaient vue nue, au bord de l’aire, derrière la maison, ils n’avaient cessé de la sentir leur collant à la peau, leur emplissant les veines, les rendant fous de désir. Ils la voyaient partout.

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