Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour octobre, 2008

le dernier Cavalier

Posté : 17 octobre, 2008 @ 9:26 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Parchemin conservé à la bibliothèque de l’Université de Valladolid

Si j’ai déjà vu la face de la peste car je la porte sur moi ; si celle de la faim est toujours visible sur le visage des paysans les plus pauvres et celui de leur famille, lorsque les récoltes sont mauvaises, que les prix montent et que la nourriture manque ; si celle de la mort est commune en ce moment comme de tout temps, celle de la guerre, je ne l’ai vue qu’une fois.

Je crois qu’il existe de la noblesse et de la rédemption dans la douleur et la souffrance. Dans la guerre, non. On dit que des trois castes dont Dieu a pourvu le monde, celle des seigneurs a pour fonction naturelle de se battre, et de protéger les deux autres, le clergé et le malheureux peuple. S’il en est ainsi, Dieu l’a fait et l’a trouvé bon, mais je doute que même lui trouve un avantage dans les guerres que les hommes se font les uns aux autres. Sinon, peut-être, les guerres contre les infidèles, si l’on pense qu’il est possible de convertir à la vraie foi des gens à qui on commence par couper la tête.

Et ce dernier Cavalier n’est pas le moins cruel des quatre.

La guerre, dit-on, est une activité noble et sainte, et elle l’est peut-être, peut-être ; qui suis-je pour contredire ce que disent tant de gens importants ? La guerre, disent-ils…
Et pourtant, je ne l’ai jamais comprise ainsi, pauvre de moi, qui le dis humblement ; je n’ai jamais vu ni entendu de noblesse dans le sang humain versé, dans les maisons mises à bas, les champs éventrés ou les pleurs des femmes et des enfants. De la noblesse, certes, il y en a dans le tintement des armures, dans le harnachement des montures, ou dans les couleurs des oriflammes. De la noblesse, oui, mais cela s’arrête là, car rapidement ces attributs de plaisir des seigneurs se teintent d’un sang qui est, presque toujours, innocent.
Je le sais, puisque je l’ai ressenti. Cette rumeur de guerre est passée devant mes sens, et je n’ai perçu de la noblesse que ce qu’en disaient ceux qui ne la ressentaient pas, où ne l’avaient vue que du haut d’un cheval. Je sais seulement que ce que j’ai vécu est vrai, et si je l’ai mal vécu et encore plus mal ressenti, alors que le Seigneur me pardonne la stupidité de mes paroles.

Sérgio Luís de Carvalho, Le bestiaire inachevé (Anno Domini 1348), Phébus, 2003

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Grain de perle

Posté : 12 octobre, 2008 @ 9:32 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | Pas de commentaires »

Grain de perle dans - époque contemporaine perles10perles10 dans littérature et cultureperles10 dans Poesieperles10

 

La poussière de sable contient en soi son art
Un petit rien de nacre visqueux au toucher
Une cicatrice sableuse, informe, un grain
De coquillage, aspirant au martyre.

Aucun cou ne souffrirait ce régal
Sinon le cou rosé et velouté
Maître de l’ardeur, du frémissement
D’un porc joaillier né.

Jean Cristtus Portela Mai 2007

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Afonso Henriques : dom Soleima

Posté : 10 octobre, 2008 @ 9:22 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

Afonso Henriques : dom Soleima dans - moyen âge/ XVIème siècle afonso10

(www.aac.uc.pt)

On dit au Pape que le Roi Afonso du Portugal retenait sa mère prisonnière, et qu’il ne voulait pas la libérer ; et il lui envoya dire par l’évêque de Coimbra de libérer sa mère, et que s’il ne voulait pas le faire il l’excommunierait. Et le Roi dit qu’il ne la libérerait pour aucun homme, encore moins pour le Pape. Et l’évêque excommunia sa terre et s’enfuit de nuit. Et tôt le lendemain on dit au roi comment l’évêque avait excommunié le pays et s’était enfui. Le Roi s’en fut aussitôt à la cathédrale et appela tous les chanoines dans le cloître et leur dit de nommer parmi eux un évêque. Et ils lui dirent qu’ils ne le feraient pas car ils avaient un évêque. Le Roi leur dit que celui dont ils parlaient ne serait plus jamais évêque de tous les jours de sa vie. Et voyant qu’ils ne voulaient pas faire ce qu’il leur commandait, il les fit tous bannir de sa terre. Comme le Roi sortait du cloître, il vit venir un clerc qui était très noir de peau et lui demanda son nom ; et le clerc lui répondit qu’il avait nom Martinho. Le Roi, parce qu’il le voyait aussi noir, lui demanda le nom de son père, et il lui répondit qu’il s’appelait Soleima. Alors le Roi lui demanda s’il était un bon clerc et s’il connaissait bien l’office de l’église. Et Martinho lui dit :
« Sire, il n’y a en pas en Espagne deux qui le connussent mieux que moi. »
Et le Roi lui dit alors : « Tu seras l’évêque dom Soleima, et prépare-toi sur l’heure à me dire une messe. »
Le clerc lui répondit : « Je ne suis pas encore ordonné évêque pour pouvoir vous la dire. »
Et le Roi lui dit alors : « Je t’ordonne de me dire la messe sinon je te couperai la tête avec cette épée. »
Et le clerc pris de peur revêtit les parements et célébra l’office. Et cette histoire se sut à Rome et on pensa que le Roi était hérétique. Et le Pape lui envoya un cardinal qui lui montrât la foi.

(Crónicas Breves de Santa Cruz de Coimbra.)

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A fleur de peau

Posté : 7 octobre, 2008 @ 8:07 dans musique et chansons | Pas de commentaires »

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Milton Nascimento et Chico Buarque

O QUE SERÁ (1976)

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Safari

Posté : 5 octobre, 2008 @ 8:29 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 7 commentaires »

Safari dans - époque contemporaine zebres10

Photo de Natsu

Qu’y a-t-il de plus agréable, après une promenade dans le plus beau jardin du Portugal, sinon d’Europe, que d’entrer dans le casino d’Estoril et de voir, comme d’habitude, une belle exposition ?
En entrant, je crus remarquer que tout le monde me jetait des regards de bête effrayée, prête à attaquer. Mais ma méfiance se dissipa bien vite – c’était une exposition de photos d’animaux sauvages, plus quelques animaux domestiques. Une photographie énorme de zèbres attira mon attention. Instinctivement, pour ne pas me perdre dans leurs rayures, je me mis à les compter, mais je me trompai, et recommençai plusieurs fois, en attendant les premiers mots de la présentation.
- Compter les zèbres dans une exposition de cette importance et se tromper trois fois est une offense à l’assistance et surtout à l’auteur qui a risqué sa vie pour nous fournir ce plaisir de voir ce que nous n’aurions pas pu voir sans lui !
- Ce n’est pas ça, dis-je. Derrière les zèbres, les sangliers et autres, il existe une symbolique primordiale, un mystère, un destin qu’il ne voulait révéler en aucune façon. Après le discours, les éloges, je vous expliquerai…
Le discours d’ouverture, les salutations, même les sourires, furent trop brefs – c’est pourquoi je m’aventurai dans une interprétation spontanée, surtout pour meubler un silence qui mettait assez mal à l’aise.
- Mesdames et Messieurs, on a fait ici des interprétations curieuses, des éloges mérités, mais l’essentiel a été oublié: le nombre des tableaux, des animaux, des espèces choisies, la date d’inauguration de cette exposition. Les chevaux ne sont pas une espèce pour le safari, c’est pourquoi notre ami a choisi l’un des cousins les plus colorés et les plus exotiques du cheval – le zèbre. En quelle année a-t-il chassé le zèbre ? En 1978. Il a tué 25 zèbres. Les sangliers, à présent – il a tué 24 sangliers en 1995. Année où il a été grièvement blessé par un sanglier, n’est-ce pas ?
- Oui, ç’a été horrible. Je ne sais pas comment j’ai échappé à la mort, dit l’artiste en soulevant sa chemise pour montrer une énorme cicatrice.
- Ça, c’est une opération de la vésicule biliaire, dit une voix sceptique à côté de moi.

 

 

(more…)

portugaisité

Posté : 4 octobre, 2008 @ 7:05 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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(elementarista.blogs.sapo.pt/)

C’est un tunnel – je marche à l’intérieur depuis des heures, des jours, ou des années, peu importe, et il y a une clarté au fond (notez le paradoxe ! mais quel fond ?) et jamais ce tunnel maudit (ou béni ?) ne s’achève, ou alors, jamais cette clarté ne se transforme en lumière.
- Vous êtes drôle ! Qui vous a mis dans la tête cette idée de lumière ? Vous avez vu une fois, dans votre vie, même pour une fraction de seconde, la lumière ? Moi, c’est le contraire, si tant est que le néant soit ce monstrueux manque de lumière, si tant est que le néant ait un contraire. J’avance dans une obscurité épaisse, et sans aucun doute, à une vitesse vertigineuse, folle, délirante. Choisissez d’autres synonymes si vous voulez ; et l’obscurité ne s’épaissit jamais davantage. C’est un tunnel, je dis un tunnel comme on dit « égal ». Et j’entends à mes côtés, depuis des jours, ou des mois, ou des années, une voix féminine :

- Il ne doit pas manquer beaucoup pour que le tunnel s’achève !
Et il y a des jours, ou des semaines, ou des années, je n’ai pas pu me retenir et j’ai demandé :
- Vous venez d’où, Madame ? Quelle est votre nationalité ?
- Je suis Portugaise, bien sûr !
Et à ce moment-là, j’ai aperçu cette clarté singulière qui naît de l’obscurité – la portugaisité.
- Amie, nous sommes sauvés ! L’obscurité ne peut plus nous vaincre. Elle est notre compagne traditionnelle, elle est historique, elle est primordiale, elle est éternelle !
- Aidez-moi à descendre !
- Descendre d’où ? On ne peut pas descendre dans cette obscurité. Mais si cela arrivait, ce serait le bouquet. Pour nous et pour la nation. Vu la position stratégique et géopolitique de notre obscurité. Pourquoi est-ce que vous me regardez comme ça ? Vous ne comprenez pas votre langue maternelle, vous n’êtes pas émue par votre grammaire nationale ? Comme les bonnes intentions se perdent – comme un vers-luisant à l’aube.
- Attention ! Il y a des limites à tout ! Il n’est pas permis de porter offense à la lumière, ni au vers luisant.

Dimíter Ánguelov, Trinta contos até ao fim da vida, &tc, 1998

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prophase

Posté : 3 octobre, 2008 @ 8:05 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Tout événement fixé par la mémoire individuelle n’était rien d’autre, pour Klober, que la conséquence éloignée d’une performance d’équilibrisme : des actes donnés d’êtres vivants possédant une certaine volonté intellectuelle interféraient sur des choses immobiles ou non, et de la rencontre entre ces deux mondes sortait un résultat, un effet objectif qui, s’il existait pour l’expérience pratique de la vie une science avec des méthodes aussi perfectionnées que celles de certaines activités de laboratoire, pourrait même être exprimé par un nombre concret, définitif, compris par tous. Comme ce n’était pas le cas, c’est à dire, comme la perception individuelle s’écartait d’une science collective qui comprendrait et expliquerait ce qui arrive, chaque mémoire restait précisément ceci : individuelle, différente de l’autre, marquant un éloignement. Si un groupe de gens avait exactement la même mémoire ce ne serait pas un groupe mais une existence unique. Par conséquent, parler de la mémoire collective d’un peuple était une énorme absurdité, mais, en même temps, une excellente stratégie de la patrie. L’Histoire que l’on enseignait aux enfants était évidemment une tentative d’établir dans les jeunes intelligences une formule pour la mémoire, limitée et quantitative. Apprendre l’Histoire d’un pays, c’était, pour les plus attentifs, perdre sa mémoire individuelle. C’est l’enseignement qui commence à annihiler le citoyen, disait Klober. Quand on dit : il faut que tu connaisses les faits historiques qui concernent ta nation, on dit en vérité : il faut que tu oublies que tu as une mémoire individuelle qui fonctionne toute seule. Que ta mémoire ne commence pas à fonctionner avant que nous la occupions, c’est ce que pensent ceux qui nous enseignent, disait Klober. Pas étonnant qu’il y ait plus de cinquante ans qu’il n’est pas né un génie : qui pourrait être créatif, véritablement, en étant très tôt enivré par l’Histoire ?

Gonçalo M. Tavares, A máquina de Joseph Walser, Caminho, 2004.

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Maisons alentejanas

Posté : 2 octobre, 2008 @ 12:30 dans vidéos documentaires | 2 commentaires »

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