Le poète prisonnier
Xanana Gusmão
Si je pouvais
par les froids matins
m’éveiller en grelottant
fouetté par le grand vent
qui m’ouvre le rideau du ciel
et voir, de la cime de mes monts,
le pourpre tableau
d’un troublant lever de soleil
à l’Est de Timor
Si je pouvais
sous les soleils torrides
chevaucher, ravi
à la rencontre de moi-même
dans les calmes plaines d’herbages
et sentir l’odeur des animaux
buvant dans les sources
qui murmureraient dans l’air
des légendes de Timor
Si je pouvais
par les chauds après-midi
sentir la lassitude
de la nature sensuelle
paressant dans sa sueur
et écouter conter les fatigues
au milieu des rires
des enfants aux pieds nus
de tout le Timor
Si je pouvais
au coucher des vagues
marcher dans le sable
livré à moi-même
dans l’enchantement léger de la brise
et toucher l’immensité de la mer
dans un souffle de l’âme
qui me fasse méditer sur l’avenir
de l’île de Timor
Si je pouvais
lorsque chantent les grillons
parler à la lune
par les fenêtres de la nuit
et lui conter les romances du peuple
l’union inviolable des corps
pour engendrer des enfants
leur apprendre à grandir et à aimer
leur pays, Timor !
(Prison de Cipinang, 8/10/1995)
Xanana Gusmão, Mar Meu/My Sea of Timor, Granito, Porto, 1998