opinion maker
*
ils ont tous les deux acheté le poster de l’enfant blond en train de mettre un œillet rouge dans le canon d’une mitrailleuse, ils ont chanté tous les deux la mouette qui volait, qui volait, au bout d’un moment, juste ce qu’il fallait, un temps raisonnable, ils ont arraché le poster du mur et oublié les paroles de la chanson
les révolutions sont tellement passagères
cette imbécile de Clarissa porte de temps en temps son mouchoir à ses yeux, elle a déjà participé à beaucoup de spectacles semblables et elle se comporte toujours très bien, il n’y a rien à dire, un parfum de lavande s’exhale du mouchoir, toutes les après-midi de la canasta réunies dans le parfum du mouchoir de cette imbécile de Clarissa, cette imbécile de Clarissa qui prend de plus en plus de grands airs parce que maintenant on voit son fils presque tous les jours à la télévision, il est politicien en full-time et opinion maker en part-time, les métiers ont des noms de plus en plus bizarres,
c’était un caméléon qui changeait tellement, tellement que quand on s’en est rendu compte c’était devenu un dinosaure
c’est le fléau de l’anglais, si on utilisait encore la plus belle langue du monde, le fils de cette imbécile de Clarissa a abandonné sa barbe et sa tenue de camouflage,
les modes sont comme ça
maintenant on le voit à la télévision en costume et cravate et il est en tout point pareil à tous ceux qu’on voit à la télévision en costume et cravate comme auparavant il était en tout point pareil à ceux qu’on voyait barbus et en tenue de camouflage, la seule préoccupation du fils de cette imbécile de Clarissa
les domestiques se distinguent entre elles par l’uniforme, s’il n’y avait pas l’uniforme ce serait un problème,
c’est d’être pareil aux autres, c’est grâce à cette préoccupation qu’il est devenu un opinion maker très conceptualisé, le fils de cette imbécile de Clarissa un opinion maker ou mieux un opinion killer car les opinions on les a et elles ne se font pas, à la télévision le fils de cette imbécile de Clarissa dit toujours une demi-douzaine de mots en anglais pour avoir l’air plus compétent,
Dulce Maria Cardoso, Les anges, Violeta (Os meus sentimentos), Esprit des Péninsules, 2006
Quel con le fils de Clarissa. J’ai entendu à la radio que pendant la révolution des oeillets , on avait tiré qu’un seul coup de feu et que les chars s’arrêtaient aux feux rouges. Je ne sais pas si c’est vrai , mais je trouve cela rassurant , tant d ‘intelligence chez un peuple…Amicalement
Le fils de cette imbécile de Clarissa, tu veux dire !:-)
Il y a un beau film de Maria de Medeiros, *Capitaines d’Avril*, qui relate ce moment. La joie dans les rues, la liberté tout à coup, offerte par des militaires en armes.
Abraço amigo
Lusina, faz tempo não apareço, entretanto leio com frequência e prazer o que se passa por aqui. Escrevo agora para enviar entrevista de Saramago em terras brasileiras:
http://rapidshare.com/files/168445092/UOL_Mais___Sabatina_da_Folha_de_S._Paulo_com_Jos__Saramago.flv
Volto depois e envio meu abraço.
Obrigada, Zoia !
Também ouvi uma intervista surpresa (no Radioclube, porque estou agora em Portugal) do José Saramago para a saida do filme de Fernando Meyrelles e a publicaçao da Viagem do elefante. Era muito interessante.