Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour décembre, 2008

un amour de secrétaire

Posté : 9 décembre, 2008 @ 7:15 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 4 commentaires »

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Mariana toujours : elle a de la tension dans les yeux, une tendance à la cataracte, elle passe ses journées à se plaindre de son cholestérol et de son acide urique au-dessus des taux maxima de référence, elle entreprend des régimes en prétendant que les médicaments « ne lui font rien » et se met à errer dans les boutiques de produits diététiques naturels pour faire provision d’emballages miraculeux et à fréquenter les restaurants macrobiotiques, dont les menus de salade et de riz complet la font rapidement ressembler à l’Olive de Popeye en version mûre. Elle renonce vite, c’est ce qui la sauve, en découvrant combien sont inesthétiques la peau excédentaire de son cou, son air fatigué, [...] mécontente de ce qu’elle voit, sans parler de son nez aplati de boxer, parce qu’elle ne s’en délivrera jamais, autant qu’elle vivra, à moins de subir une rhinoplastie – la chirurgie correctrice qui gommerait ce défaut – si elle était portée à ça. Mais comment diable une femme qui n’accepte pas la climatisation, refuse le PC et le portable, et remet en question l’utilité du fax, se risquerait-elle un jour à se soumettre au bistouri pour embellir son appendice nasal ? Pingre comme elle est, par-dessus le marché ? Là, je n’y crois pas. La dernière fois qu’elle est retournée à sa condition corpulente, elle est devenue hargneuse après avoir survécu à la grippe australienne, contractée juste au moment où elle allait envoyer son régime aux orties. Même en prenant du Prozac à des doses qui feraient hurler de terreur n’importe quel yuppie habitué à acheter sa jovialité en pharmacie, elle a pété les plombs, on a souvent du mal à comprendre ce qu’elle dit, elle a, en somme, une araignée dans le plafond, je pense même que son phosphore est irrémédiablement brûlé.

Júlio Conrado, Desaparecido no Salon du Livre, Bertrand, 2001

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mystère

Posté : 3 décembre, 2008 @ 7:58 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Le port de Rio de Janeiro

 

Tout avait commencé – du moins il le semblait – lorsque deux frères carmélites avait été découverts non loin de la plage, attachés, dévêtus, recouverts d’excréments et de scarifications, bien que la bourse de l’un d’eux fût restée intacte.
Revenus à eux, ils ne surent en aucune façon donner la raison pour laquelle ils avaient étaient réduits à cette condition. Ils se souvenaient seulement qu’ils traversaient le champ de Santo Antônio, la nuit, lorsqu’ils avaient été surpris par des malfaiteurs armés de couteaux et de bâtons.
Rien n’avait encore était éclairci, il y avait eu l’attaque de l’entrepôt de la douane, puis l’incendie pendant lequel une sentinelle avait péri. Aussitôt après on avait empoisonné l’alcade – tout indiquait que c’était l’œuvre d’une esclave non identifiée. Et on était arrivé au comble de la panique avec le massacre du moulin de l’Irajá – où on avait assassiné les domestiques, humilié la famille des maîtres et libéré tout un village d’esclaves.
Au début (comme on vint à le savoir) Unhão Dinis n’avait pas accepté la théorie du prélat ; mais il avait changé d’avis lorsque s’était produit l’incident de la prison publique. Et il était venu jusque là, à ma porte, précisément pour demander du secours.
Moi, Mendo Antunes, armateur établi dans cette ville depuis 1623, dès que je fus averti de cette visite inattendue, je craignis que le juge vînt m’importuner avec cette histoire des mesures sanitaires contre l’étripage en plein air de mes baleines. Et je ne me fis pas attendre.
Je descendis au salon, passai devant la calunga que j’entretenais fièrement sur la desserte d’ébène, m’assurai que le visiteur admirait mes tapis et le saluai froidement, affectant d’être pressé. Je m’en repentis aussitôt. C’était une autre histoire que Gonçalo venait me raconter.
J’écoutai alors, rassuré, la narration des faits. Il paraissait que – il y avait environ deux jours – les détenus avait souffert de violents malaises, avec de la fièvre, des vomissements et de la diarrhée – symptômes d’une probable tentative d’empoisonnement. Il n’y avait pas eu de victimes, à part un indien. Le fait semblait s’insérer dans la suite des sinistres auxquels assistait passivement la ville ; et le magistrat avait exigé une enquête rigoureuse.
Forcé de déposer, le geôlier avait déclaré avoir vu, dans une posture bizarre, près de la prison, la veille de l‘événement, un esclave de la maison de Unhão Dinis lui-même.
L’intrigue commençait à m’intéresser, mais je n’avais pas encore compris pourquoi moi, un simple armateur, j’avais été appelé à collaborer à l’élucidation du problème. Ce fut alors que le juge acheva :
- Alors, j’ai donné l’ordre d’incarcérer le suspect. Nous avons aussi trouvé, dans la cuisine de la prison, derrière des sacs de farine, une espèce d’outre, attachée à un lacet de cuir cru pour pouvoir être portée en bandoulière, qui contenait, en plus d’un petit couteau (objet de facture grossière), un curieux manuscrit, apparemment rédigé dans une langue de nègre. J’ai entendu dire que vous, Mendo, vous sauriez la traduire.

Alberto Mussa, O Trono da Rainha Jinga, 1999

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Des vers

Posté : 2 décembre, 2008 @ 7:26 dans - époque contemporaine, littérature et culture, musique et chansons, Poesie | 5 commentaires »

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Adriana Calcanhotto, Uns versos

 

Adriana Calcanhotto, auteur-compositeur, est née à Porto Alegre (Rio Grande do Sul) en 1965.

 

Je suis ta nuit, je suis ta chambre
Si tu veux dormir
Je me défais en petits morceaux
Comme un silence à l’envers
En t’attendant,
j’écris des vers et je rature

Je suis ton destin, ton barde

[...]

Je suis le soleil de ta nuit claire…

 

 

 

 

opinion maker

Posté : 1 décembre, 2008 @ 9:45 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 4 commentaires »

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*

ils ont tous les deux acheté le poster de l’enfant blond en train de mettre un œillet rouge dans le canon d’une mitrailleuse, ils ont chanté tous les deux la mouette qui volait, qui volait, au bout d’un moment, juste ce qu’il fallait, un temps raisonnable, ils ont arraché le poster du mur et oublié les paroles de la chanson

les révolutions sont tellement passagères

cette imbécile de Clarissa porte de temps en temps son mouchoir à ses yeux, elle a déjà participé à beaucoup de spectacles semblables et elle se comporte toujours très bien, il n’y a rien à dire, un parfum de lavande s’exhale du mouchoir, toutes les après-midi de la canasta réunies dans le parfum du mouchoir de cette imbécile de Clarissa, cette imbécile de Clarissa qui prend de plus en plus de grands airs parce que maintenant on voit son fils presque tous les jours à la télévision, il est politicien en full-time et opinion maker en part-time, les métiers ont des noms de plus en plus bizarres,

c’était un caméléon qui changeait tellement, tellement que quand on s’en est rendu compte c’était devenu un dinosaure

c’est le fléau de l’anglais, si on utilisait encore la plus belle langue du monde, le fils de cette imbécile de Clarissa a abandonné sa barbe et sa tenue de camouflage,

les modes sont comme ça

maintenant on le voit à la télévision en costume et cravate et il est en tout point pareil à tous ceux qu’on voit à la télévision en costume et cravate comme auparavant il était en tout point pareil à ceux qu’on voyait barbus et en tenue de camouflage, la seule préoccupation du fils de cette imbécile de Clarissa

les domestiques se distinguent entre elles par l’uniforme, s’il n’y avait pas l’uniforme ce serait un problème,

c’est d’être pareil aux autres, c’est grâce à cette préoccupation qu’il est devenu un opinion maker très conceptualisé, le fils de cette imbécile de Clarissa un opinion maker ou mieux un opinion killer car les opinions on les a et elles ne se font pas, à la télévision le fils de cette imbécile de Clarissa dit toujours une demi-douzaine de mots en anglais pour avoir l’air plus compétent,

Dulce Maria Cardoso, Les anges, Violeta (Os meus sentimentos), Esprit des Péninsules, 2006

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