Coup de foudre
Avalor était connu du père d’Arima, du temps où il allait par le monde en quête d’aventures, et ils étaient même grands amis. Lorsqu’il arriva, l’époux d’Aonia s’approcha d’Arima, et lui dit :
- Voici, Madame, Avalor, dont vous avez déjà entendu parler par Monsieur votre père, car ils s’apprécient beaucoup. Il m’est impossible de vous en dire plus sur lui, il est parfait en tout. Faites-moi la faveur de le traiter toujours avec considération.
A ces mots, Arima, qui était à ce moment-là aussi belle qu’à l’accoutumée et ne s’en apercevait pas, leva les yeux vers Avalor en répondant un « oui » timide, comme de bon gré, pour signifier que son désir correspondait à la prière qui lui était faite, car elle avait souvent entendu dire du bien de lui. Puis, après un instant, elle les baissa de cette manière si douce qui ne lui avait été donnée qu’à elle seule par faveur spéciale, car on raconte que jusque dans sa façon d’être, de marcher, et enfin dans tous ses autres gestes, la douceur avait été si suavement mise qu’il semblait bien qu’elle fût l’unique femme en ce lieu ; de sorte que ceci, et la manière dont toute cette scène s’était déroulée, se grava aussitôt au centre de l’âme d’Avalor. Il semble que cela devait être, et cela fut.
Durant tout le temps qui restait de la soirée, Avalor alla se placer à des endroits d’où il espérait voir Arima, mais il n’y parvint jamais, et il s’en alla donc vers son lieu de repos où, une fois couché, très préoccupé, il ne put dormir. Et comme il n’avait pas encore décidé en lui-même de requérir Arima d’amour, (il le voulait déjà sans l’avoir décidé), mécontent de lui-même, il faisait tout pour s’endormir, ne croyant pas qu’avoir vu Arima une seule fois pouvait occuper son temps et son esprit au point de lui interdire le sommeil. Mais en cela il se trompait. Un seul regard aussitôt baissé avait eu tant de pouvoir sur lui !
Bernardim Ribeiro, Menina e Moça, première édition 1554. (adapté)
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