Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour mars, 2009

la mouche bleue

Posté : 20 mars, 2009 @ 8:00 dans - XIXème siècle, littérature et culture, Poesie | 8 commentaires »

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mouche.jpg

 

C’était une mouche bleue aux ailes d’or et de grenat
Fille de Chine ou d’Hindoustan
Qui entre les feuilles est sortie d’un cœur de rose incarnat

Par une nuit de printemps.

Elle bourdonnait en volant, en volant elle bourdonnait,
Brillant au soleil dans son vol,
Et sous la lune – elle brillait plus fort que ne luirait

Un diamant du Grand Mogol.

Un triste paria qui l’a vue, trouvant cela peu ordinaire,
Un paria lui a demandé :
« Mouche, dis, ce brillant, qui ressemble à une chimère,
Dis, qui donc te l’a enseigné ? »

Alors elle, tout en virevoltant et voletant sans cesse :
- Je suis la vie, je suis la fleur
Des grâces, dit-elle, l’idéal de l’éternelle jeunesse,
Et aussi la gloire, et l’amour.

Alors lui, tendant sa main calleuse et rude, la touche
De ses gros doigts de charpentier ;
D’un geste vif, il attrape la lumineuse mouche,
Très curieux de l’examiner.

Il voulait voir, voulait savoir la cause de la magie
La tenant captive, il sourit,
Content, s’imaginant qu’il tenait le secret de la vie
Et chez lui il est reparti.

En toute hâte il arrive, examine, et on dirait
Qu’il s’adonne à l’occupation
Minutieusement, comme un homme qui voudrait
Disséquer sa propre illusion.

Il la dissèque, à tel point, et avec un tel art, qu’elle,
Terne, répugnante et vile,
A succombé ; et avec ça s’est évanouie celle
Qu’il vit fantastique et subtile.

Lors, quand il passe, l’aloès et la cardamome
Dans la tête, l’air joyeux,
On dit qu’il est devenu fou, et ne sait comme
Il a perdu sa mouche bleue.

Joaquim Maria Machado de Assis (Rio de Janeiro) As Occidentais, 1880

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sortilège

Posté : 19 mars, 2009 @ 7:01 dans littérature et culture, musique et chansons, Poesie | 2 commentaires »

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Luís Represas Feiticeira

De quelle nuit attardée
Ou de quel petit matin
Es-tu venue, sorcière
Entourée de nuages

De quel rêve devenu mer
Ou de quelle mer non rêvée
Es-tu venue, sorcière
Te blottir à mes côtés

De quel feu rallumé
Ou de quelle lumière éteinte
Es-tu venue, sorcière
Murmurer à mon oreille

De quelles sources, de quelles eaux
De quelle terre, de quel horizon
De quelles neiges, de quelles forges
De quelles soifs, de quels monts
De quel Nord, de quel effort
De quel désert de mort
Es-tu venue, sorcière
Pour m’inonder de vie.

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candomblé

Posté : 18 mars, 2009 @ 8:06 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 4 commentaires »

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candomblé dans - époque contemporaine iemanj10

 

Iemanjá

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Bénédiction

- Mãe Marina est là ?, demandai-je.
- Elle est dans son salon. Mais elle ne reçoit personne. Parle à Tia Celeste. Elle est dans la cuisine.
Tia Celeste était une sorte d’administrateur général, de secrétaire exécutive du terreiro, fournissait la nourriture, organisait les rendez-vous de Mãe Marina, faisait et défaisait les arrangements, supervisait la production des fêtes et des rituels. Elle était crainte et puissante, très maternelle avec tous ceux qui fréquentaient le terreiro, des plus humbles aux plus riches et célèbres, tous étaient fous de Tia Celeste.
Je traversai la grande salle vide et me dirigeai à travers un long couloir obscur vers la cuisine, d’où Tia Celeste sortait avec deux iaôs portant un fait-tout plein de carruru, la purée de gombos
.
- Bonjour, Tia, la saluai-je.
- Bonjour, Augustão.
- Je peux dire un petit mot à Mãe Marina ? Moins de cinq minutes, juste pour lui demander sa bénédiction.
- Attends, je vais voir, elle ne reçoit personne, mais comme tu es de la maison, on ne sait jamais, hein ?
Un instant plus tard, de la porte de Mãe Marina, Tia Celeste me signala discrètement que je pouvais entrer. Quand je passai devant elle, elle me dit tout bas, mais d’un ton menaçant :
- Cinq minutes… elle est très fatiguée, elle a très peu dormi.
Au fond de la pièce, dans la pénombre, Mãe Marina était assise dans son grand fauteuil blanc recouvert de dentelles. Les volets étaient fermées, mais une lumière diffuse entrait par la claire-voie du plafond et se répandait sur le sol de carrelage blanc et sur les tapis de couleur claire. Un arôme sucré d’encens parfumait la pièce.
Je passai un rideau de perles transparentes et m’agenouillai devant elle en touchant le sol de mon front, pour le salut rituel :
- Okê, minha mãe.
Elle tendit les mains et sourit sereinement :
- Okê, Augustão.

(more…)

Arrière-pays

Posté : 17 mars, 2009 @ 7:10 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 6 commentaires »

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Berger dans la Serra de Monchique (Tissu appliqué d’Evelyne Régnaut)

J’ai fait quelques fois, ou tenté de refaire, ce chemin. D’abord, à une époque où il conservait les caractéristiques du temps où mon ancêtre l’avait parcouru : des chemins de terre bordés de murs dont étaient encore jointes les pierres où, en ce chaud mois d’août, se cachaient des geckos et des lézards surpris par le passage d’étrangers ; des maisons perdues dans un arrière-pays totalement isolé, d’où guettaient des visages de vieillards ou d’enfants effrayés par cette intrusion dans leur solitude, comme si personne n’avait jamais risqué cette aventure dans une campagne où seuls les oiseaux étaient pleinement libres dans leur vol ; des meutes de chiens errants, qui, eux aussi sans raison apparente, surgissaient en aboyant sur notre passage. Ensuite, beaucoup plus tard, les chemins ont été élargis, et nombre d’entre eux, même, goudronnés ; les maisons ont poussé sur leurs bords, et leurs habitants sont déjà étrangers à la mémoire des lieux, ignorant tout de ce qui a pu se passer ici, ne sachant rien des événements anciens, comme cette mort d’un homme en pleine forêt, en un lieu où la dernière chose qu’on imaginerait, c’est que quelqu’un, par une après-midi d’août, ait pu être surpris par un tir d’arquebuse à bout portant.

Nuno Júdice, L’ange de la tempête (O anjo da tempestade) , La Différence, 2006

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l’homme au gouvernail

Posté : 14 mars, 2009 @ 7:45 dans musique et chansons | 4 commentaires »

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Xutos & Pontapés – Homem do Leme

Seul dans la nuit
un bateau va vers son destin.
Une lumière brille à droite
occultant les autres.

C’est plus qu’une vague, plus qu’une marée…
On a voulu l’enfermer, lui imposer une foi…
Mais voguant librement, brisant les attaches,
va celui qui n’a plus peur de rien, l’homme au gouvernail…

Et une envie de rire naît du fond de son être.
Et une envie d’aller courir le monde et de partir,
la vie est toujours à perdre…

Au fond de la mer
gisent les autres, ceux qui y sont restés.
Par des temps de grisaille
c’est le repos éternel qu’ils y ont trouvé.

C’est plus qu’une vague, plus qu’une marée…
On a voulu l’enfermer, lui imposer une foi…
Mais voguant librement, brisant les attaches,
va celui qui n’a plus peur de rien, l’homme au gouvernail…

Et une envie de rire naît du fond de son être.
Et une envie d’aller courir le monde et de partir,
la vie est toujours à perdre…

Au fond de l’horizon
souffle le murmure d’où il va.
Au fond du temps
s’enfuit l’avenir, il est trop tard…

Et une envie de rire naît du fond de son être.
Et une envie d’aller courir le monde et de partir,
la vie est toujours à perdre…

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Genèse

Posté : 13 mars, 2009 @ 9:36 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | 6 commentaires »

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Tous les poèmes commencent le matin, avec le soleil

même si le poème n’est pas en vue, c’est à dire, s’il pleut,

le poème est ce qui explique tout,

éclaire la terre, le ciel, et les nuages en mélange

la lumière incommode quand elle est excessive

puis le poème monte avec les brumes que le jour entraîne

il se niche dans les frondaisons des arbres, chante avec les oiseaux

court avec les ruisseaux

qui viennent d’on ne sait où et vont vers on ne sait où

le poème conte comment tout est fait, sauf lui-même

qui commence par un hasard gris

comme ce matin

et finit, aussi par hasard

avec le soleil qui veut sortir

Nuno Júdice

(Au festival international de poésie de Medellín, Colombie, juin 2004)

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Fado du printemps

Posté : 10 mars, 2009 @ 2:35 dans - époque contemporaine, musique et chansons | Pas de commentaires »

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Bucolique

Posté : 9 mars, 2009 @ 7:15 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | 10 commentaires »

Bucolique dans - époque contemporaine videira1

 

 

La vie est faite de riens;
De grandes forêts immobiles
En attente de mouvement;
De plaines ondulantes
Sous le vent;
De maisons d’habitation
En ruine, avec des restes
De nids qui étaient autrefois
Sous les génoises;
De poussière;
De l’ombre d’un figuier;
Du spectacle de cette merveille:

Mon père entrelaçant une treille
Comme une mère fait une tresse
A sa fille.

Miguel Torga ( Portugal) Sabrosa 1907, Coimbra 1995.

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