Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour juin, 2009

Navega

Posté : 27 juin, 2009 @ 7:57 dans - époque contemporaine, musique et chansons | 2 commentaires »

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Mayra Andrade (Cap Vert)


le fou du roi

Posté : 26 juin, 2009 @ 7:15 dans - XIXème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Château de Guimarães

Le sort des armes et la vengeance de Dom Bibas avaient décidé de la destinée future du Portugal. Ce ne fut pas la première fois, ce ne sera pas non plus la dernière, qu’une bataille ou un vieil entêté influent sur l’existence ou la non-existence, la façon d’être ou de ne pas être de ces corps moraux appelés nations, qui malgré leur individualité, en théorie idéale et abstraite, paraissent tout de même des corps physiques, par leur manque de volonté et d’intelligence.
Une féroce bataille avait eu lieu dans la campagne de São Mamede, à côté de Guimarães, où l’armée de l’infant avait affronté celle de sa mère et du comte de Trava. Après un grand conflit, Afonso Henriques avait triomphé, et Dona Teresa s’était vue obligée de fuir avec l’orgueilleux étranger, et d’aller s’enfermer dans le château de Lanhoso, à deux lieues de distance de l’endroit du combat.
Mais pourquoi les vaincus n’ont-ils pas cherché à s’abriter dans les murs et les tours solides du château de Guimarães ? C’est ce que l’Histoire ne nous dit pas. Peu importe : nous le disons, nous. L’histoire n’a pas connu Dom Bibas, et Dom Bibas, c’est dans le secret le plus total que nous ne révélons ici au lecteur, nous donne la clé de ce mystère. Le bouffon avait rendu impossible un tel arbitrage, et peut-être avait-il aidé à faire descendre du ciel la bénédiction qui protégea les armes de Afonso Henriques.
Celui-ci n’avait oublié ni pourquoi ni comment le courageux seigneur da Maia avait échappé aux griffes du noble tigre de Galice. La lance dressée de Gonçalo Mendes n’avait pas reluit au soleil de la lutte. Pourtant, alors que l’engagement était le plus ardent, plusieurs arbalétriers, qu’on voyait au loin emplissant les chemins de ronde et les airées des murailles et des tours du redoutable château, commencèrent à vaciller et à courir d’un côté à l’autre, et peu de temps après, certains, en tombant entre les créneaux, firent éclabousser les eaux bourbeuses et verdâtres des douves. Les habitants du bourg, accourant pour découvrir la cause du terrible spectacle auquel ils assistaient, entendirent se mêler sur la hauteur les acclamations destinées à l’infant et les cris et gémissements de ceux qui mouraient. Le pont-levis s’ouvrit alors, et les bourgeois qui regardaient les murs les virent de nouveau peuplés d’hommes d’armes, au lieu d’arbalétriers, et la bannière d’Afonso Henriques fut hissée sur le donjon.

Alexandre Herculano, O Bobo, (Biblioteca Ulisseia), première édition 1878.

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For ever

Posté : 24 juin, 2009 @ 9:17 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Elle en trouva quatre, avant d’arrêter ses recherches. C’étaient des tombeaux de femmes, qui avaient vécu à des époques différentes, peut-être que si elle s’enfonçait dans le bois, elle en trouverait bien d’autres.
Il y avait quelque chose de très étrange. Ces femmes aux noms différents, qui ne devaient pas appartenir à la même famille, étaient toutes mortes à vingt-cinq ans. Et sur toutes les pierres était gravé un vers ou un fragment de poème. Elle en reconnut un de John Donne, « … then / Thou shalt be a Mary Magdalen, and I / A something else thereby », un de William Blake, « And his dark secret love / Does thy life destroy. »
Lorsqu’elle retourna vers la maison ses pas étaient traînants, lents, comme si elle avait vieilli. Elle pensa qu’elle avait vingt-trois ans, que ces femmes étaient mortes à vingt-cinq… et que quelque chose en elle connaissait la signification de cette histoire.
Mais elle n’arrivait pas à se souvenir, elle n’arrivait pas à se souvenir…
A mesure qu’elle approchait, elle se mit à entendre la musique, toujours la même.

Il était dans la grande salle, assis au piano. Carla s’arrêta à la porte, regardant son profil grave, ses mains qui l’émouvaient. C’était comme si elle l’avait toujours connu, comme si elle l’avait vu jouer d’innombrables fois.

- Tu m’as tellement manqué – murmura-t-elle.
Il cessa de jouer et se leva. Il était si grand, si beau. Son ombre sur le mur semblait avoir des ailes. Et derrière lui il y avait d’autres ombres, des ombres innombrables…

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Black soul

Posté : 22 juin, 2009 @ 9:12 dans musique et chansons | 2 commentaires »

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Lenine (Recife, Pernambouco) Black Soul Brasileiro

Ce chanteur a révolutionné la musique brésilienne en conciliant  le riche héritage acoustique et électrique traditionnel avec des sonorités électroniques

Lenine sera en concert le 30 juin à Givry, à la Cigale à Paris le 5 juillet (20h 30), le 19 juillet à Chateau Arnoux St Auban et le 21 juillet à Lavault Sainte Anne .

 

Le potier de Kashan

Posté : 20 juin, 2009 @ 9:35 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 7 commentaires »

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Kashan

C’était la première fois que le vieux potier entrait dans le palais du commandeur. Dans les chambres, antichambres et corridors qu’il traversait en trottant à petits pas, il regardait les azulejos géométriques, les mosaïques polychromes, les frises végétalistes.
« Beau travail », pensait-il.
Mais son appréciation professionnelle fut interrompue par la voix de l’un des gardes qui, ouvrant une dernière porte, cria vers l’intérieur :
- Voici le vieux potier, ô commandeur des croyants, lumière de Kashan.
Une lourde main sur l’épaule le fit s’agenouiller. Et, au fond de la salle qu’il ne voyait pas à cause de la position inclinée qui était la sienne, le potier entendit une autre voix, plus traînante, plus murmurante, qui lui ordonnait :
- Approche-toi, vieillard.
Le potier, courbé, s’approcha du fauteuil placé au fond de la pièce.
- Sais-tu qui je suis, vieillard ?
- Le seigneur de cette terre, le commandeur des croyants, la lumière de Kashan.
Sur le visage de l’homme assis sur son trône un sourire s’ébaucha.
- Et sais-tu pourquoi tu es là, vieillard ?
- Je l’ignore, seigneur.
Le sourire s’évanouit du visage du commandeur.
- Qu’ignores-tu, vieillard ?
(Et comme, soudain, son sourire s’était fait moins franc et sa voix plus ferme…)
- Je l’ignore, gouverneur des croyants et lumière de Kashan.
Le sourire revint sur le visage murmurant du commandeur.
- Eh bien je peux te dire, vieillard, que je veux que tu partages un peu de l’honneur que je concède à mes sujets quand je leur demande un service.
Le commandeur se leva du fauteuil, s’approcha du potier et lui ordonna :
- Viens avec moi.
Et il se mit en marche à travers son palais, suivi du potier qui de nouveau courait presque, de deux des gardes derrière lui comme des chiens très fidèles, et d’un garçon qui aérait avec un grand éventail les narines hautaines du gouverneur, afin que la lumière de Kashan ne s’échauffe pas trop dans les aigreurs du climat. Le groupe passa ainsi par plusieurs corridors, chacun avec son ensemble d’azulejos et de mosaïques, le commandeur devant qui trottait d’un pas sûr, hautain et assuré, ne s’interrompant qu’au moment où, dans une courbe rapide, le garçon à l’éventail ne put éviter qu’une plume qui dépassait frôle la joue du commandeur, faisant que celui-ci lève promptement la main et soufflette le visage du jeune garçon.
- Imbécile, s’exclama le commandeur avant de s’essuyer la joue pour effacer la trace de ce contact impur.

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argument de vente

Posté : 18 juin, 2009 @ 8:00 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 6 commentaires »

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Nicolas Machiavel

- Pardon ?
Vítor s’arrêta net de composer le numéro de téléphone et détourna l’écouteur de son visage, observant [Vera], surpris.
- Une photo de qui ?
- De moi, bien sûr. De préférence en pied. C’est évident, tu ne crois pas ? Méfiant comme l’est notre peuple, il faut lui faire connaître qui veut entrer chez lui. Encore plus : le lecteur inexpérimenté (c’est-à-dire tout le monde dans ce pays d’ignorants) n’aura pas le temps de se faire une image individuelle dans sa tête, si nous ne commençons pas par lui vendre la mienne.
Il posa le téléphone.
- Je ne comprends pas.
- Va te faire f… OK : quand tu aimes un livre, tu as tendance à vouloir que l’écrivain soit aussi parfait (physiquement et émotionnellement) que ce que tu viens de lire. Dans la plupart des cas, quand on regarde de près, surgissent de là des bêtes laides et mal embouchées. Nous leur pardonnons, mais notre enthousiasme diminue lorsqu’il s’agit d’acheter leur livre suivant.
- Oui… et alors ?
- Si le lecteur connaît, avant, la personne qui a écrit le livre, qu’elle est jolie, sympathique et qu’elle a l’air intelligent, il s’embarquera dans le livre avec une bonne impression. Et, s’il n’a pas une grande expérience de la lecture (c’est le cas de presque tous, comme on l’a déjà dit) il ne se posera même pas de questions sur le texte. Il va supposer qu’il est en train de boire une caipirinha et que, finalement, il a aimé.
- Il projette l’image dans le texte.
- Oui. Et comme le truc a des effets rétroactifs, au livre suivant, en voyant la photo, il va penser qu’il a aimé le premier, sans plus s’occuper de savoir si le texte était bon (et il l’est !) ou non.
Vítor regarda par la fenêtre et il lui sembla voir Machiavel qui se promenait à cheval dans la rue.
- Tu es forte.

Possidónio Cachapa, Rio da Glória, Oficina do livro, 2006

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les étoiles

Posté : 17 juin, 2009 @ 8:30 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 7 commentaires »

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Etait-ce la faim ou autre chose, la légèreté de son corps était en train de s’affranchir du sol, enviant les nuages. Ses pas étaient déjà voletés, plus que marchés, et les routes goudronnées osaient lui promettre de brefs décollages. Ce fut alors que la fillette se trouva nez à nez avec l’événement – le chien écrasé, gisant. Personne ne s’en occupait : sa vie était là, sur l’accotement, qui s’enfuyait. Oubliant les espaces vides, la fillette atterrit à côté, éveillée à l’attention. Sauf que le chien, finalement, était écumant de rage, même avant d’être écrasé. Il mourut les dents enfoncées dans le bras de la fillette, vengeur des innocents. Bien fait ! Qui t’a demandé de l’aider ? condamna une voix. Ils se mêlent tous de ce qui ne les regarde pas, ces gamins. Disparais d’ici et laisse ce chien tranquille, renchérit une autre. Va laver cette cochonnerie de bras ! Du sol, la fillette regarda tous les yeux là en-haut autour d’elle, fâchés. Ce n’est qu’alors qu’elle ressentit la douleur des dents du chien, encore plantées dans son bras. Avec précaution, elle s’en libéra. Elle avait si peu de sang qu’il n’affleura même pas. Juste les marques, comme des étoiles folles. Quand elle se leva l’air était encore plus léger qu’avant, bien qu’il sentît à présent l’odeur pourrie des tripes répandues du chien. Les attentions s’était déjà dispersées : ni elle ni le chien n’étaient plus des sujets d’intérêt. Elle se rassit. Le chien, au moins, avait vu, senti son corps. Pourquoi tendre vers un autre lieu d’absence ? La nuit tomba, entre temps, obscurcissant les silences. Dans sa faiblesse la fillette se désancra peu à peu de la terre, flottant au vent. Les étoiles de son bras lui faisaient moins mal, elles brillaient, et plus vite qu’on pouvait s’y attendre elles occupèrent alors vivement le ciel entier.

José Mena Abrantes, Caminhos des-encantados, Caminho, 2000

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Bonga

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Conseil

Posté : 16 juin, 2009 @ 8:05 dans - XIXème siècle, littérature et culture, Poesie | 2 commentaires »

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Sortie du port, toile d’Isabelle Szlachta

Pêcheur à la barque belle,
Où vas-tu pêcher sur elle,
Elle est si belle,
Naïf pêcheur ?

Vois que la dernière étoile
Au ciel nuageux se voile !
Ferle la voile,
Naïf pêcheur !

Jette ta ligne sans zèle,
Car la sirène chante, belle …
Mais pas de zèle,
Naïf pêcheur!

Ne t’attrape pas dans sa toile,
Ou tu perds les rames et la voile
Rien qu’à la voir,
Naïf pêcheur.

Pêcheur à la barque belle,
Tu peux encore fuir loin d’elle
A tire d’aile,
Naïf pêcheur !

Garrett, Folhas Caidas, 1853

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