les étoiles
Etait-ce la faim ou autre chose, la légèreté de son corps était en train de s’affranchir du sol, enviant les nuages. Ses pas étaient déjà voletés, plus que marchés, et les routes goudronnées osaient lui promettre de brefs décollages. Ce fut alors que la fillette se trouva nez à nez avec l’événement – le chien écrasé, gisant. Personne ne s’en occupait : sa vie était là, sur l’accotement, qui s’enfuyait. Oubliant les espaces vides, la fillette atterrit à côté, éveillée à l’attention. Sauf que le chien, finalement, était écumant de rage, même avant d’être écrasé. Il mourut les dents enfoncées dans le bras de la fillette, vengeur des innocents. Bien fait ! Qui t’a demandé de l’aider ? condamna une voix. Ils se mêlent tous de ce qui ne les regarde pas, ces gamins. Disparais d’ici et laisse ce chien tranquille, renchérit une autre. Va laver cette cochonnerie de bras ! Du sol, la fillette regarda tous les yeux là en-haut autour d’elle, fâchés. Ce n’est qu’alors qu’elle ressentit la douleur des dents du chien, encore plantées dans son bras. Avec précaution, elle s’en libéra. Elle avait si peu de sang qu’il n’affleura même pas. Juste les marques, comme des étoiles folles. Quand elle se leva l’air était encore plus léger qu’avant, bien qu’il sentît à présent l’odeur pourrie des tripes répandues du chien. Les attentions s’était déjà dispersées : ni elle ni le chien n’étaient plus des sujets d’intérêt. Elle se rassit. Le chien, au moins, avait vu, senti son corps. Pourquoi tendre vers un autre lieu d’absence ? La nuit tomba, entre temps, obscurcissant les silences. Dans sa faiblesse la fillette se désancra peu à peu de la terre, flottant au vent. Les étoiles de son bras lui faisaient moins mal, elles brillaient, et plus vite qu’on pouvait s’y attendre elles occupèrent alors vivement le ciel entier.
José Mena Abrantes, Caminhos des-encantados, Caminho, 2000
Bonga