Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour juin, 2009

Ramiro Naka

Posté : 10 juin, 2009 @ 9:07 dans - époque contemporaine, musique et chansons | Pas de commentaires »

ramironaka.jpg

 

« Nous sommes les Latins de l’Afrique » dit Ramiro NAKA en parlant de sa Guinée Bissau natale, petit pays côtier au sud du Sénégal. On y parle portugais depuis plus de cinq cents ans et la musique est un savant mélange de traditions africaines (percussions), d’héritage colonial portugais (Fado), de fraternité brésilienne (Samba) et de cousinage caribéen (Salsa). Comment cela s’appelle-t-il ? Le « Gumbé », compagnon obligé des étapes importantes de la vie (naissance, initiation, mariage, décès), là-bas, en Guinée... 

 

 

Pour lire la suite 

 Pour l’écouter : http://www.la-metisse.com/public/artistes/musiques/naka.mp3

 

Revenir à la page d’accueil

almadies

Posté : 9 juin, 2009 @ 8:10 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

pirogueshasson.jpg

Michel Hasson, pirogue

Quelquefois le Zambèze est si calme et transparent que l’on dirait qu’entre ses deux rives gît la continuation inférieure du ciel. Et dans ce vide presque blanc volent, en amples chorégraphies silencieuses, les almadies et les pêcheurs, qui se saluent avec des gestes presque imperceptibles comme s’ils suivaient un plan connu d’eux seuls. Elles laissent, ces almadies volantes, de longs sillons sur la peau de l’eau, des sillons qui se défont et s’élargissent peu à peu comme si ces petits points, rapides à leur manière, avaient de grandes queues entrelacées ou qui s’évitaient délibérément. Et avant de disparaître ces sillons forment des arabesques élaborées, mystérieuses pour qui ne sait pas les lire.
Toutefois ce sont surtout les poissons qui les lisent, car ils découvrent en elles l’itinéraire de l’implacable persécution qui est menée contre eux. Sous l’eau les almadies sont différentes, des bêtes aveugles qui ne cessent de les poursuivre, qui leur cachent le soleil et la fuite. Les poissons se serrent les uns contre les autres en groupes plus grands que des bancs, ils cherchent désespérément les anses de la berge, les petites grottes pour se mettre à l’abri. C’est à ce moment-là que sur eux descendent les filets délicats, griffant le ciel avant de plonger dans l’eau et de se dissoudre en elle. Des filets gracieux qui matérialisent le geste du pêcheur sinon intangible, et toutefois terribles dans leur discernement, laissant les eaux suivre leur cours mais identifiant les proies minuscules et les cueillant dans leur milieu vital, les transportant lentement vers la surface pour qu’elles aient le temps de dire adieu à cette vie. Et c’est sur la surface polie des almadies – extrêmement polie dans le cas de Ntsato – que les poissons sont posés avec leur souffle désordonné, une petite armée alignée de prisonniers. Leur peau argentée envoie encore d’ultimes reflets furieux contre le soleil, derniers gestes vivants, puis ils se ternissent et leurs yeux jaunissent pour toujours.
La surprise causée par la belle pirogue de Ntsato s’évanouit vite, c’est sûr, mais la prospérité qu’elle avait apportée dura quelques années, elle sortait toujours légère et rapide et revenait lourde de cueillette à la fin de l’après-midi. Cela dura jusqu’à ce qu’un jour, inexplicablement, le pêcheur se trouve couché sur la plage de la petite île de Cacessemo la face dans le sable et sans savoir comment il y était arrivé.

João Paulo Borges Coelho (Mozambique) As duas sombras do rio, Caminho, Outras Margens, 2003

Revenir à la page d’accueil

La combe du Démon

Posté : 8 juin, 2009 @ 8:30 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

riviredemonchique.jpg

Paysage de Monchique (tissu appliqué d’Evelyne Régnault)

C’est peut-être à cause de cette terreur que le Démon cessa peu à peu d’être mentionné et que la combe ne fut plus appelée que la Combe. La terre était rude et grossière. Elle résistait, têtue, à la force et la furie des coups de bêche. Les hommes travaillaient du lever au coucher du soleil, et, empan après empan, ils domestiquaient les pentes, défrichant le maquis, nivelant les terrasses. Il est vrai que les montagnes encombraient la rivière là au fond, mais, violentées par l’élan des hommes, elles la laissaient s’élargir et s’aplanir plus en avant, se répandre dans les champs de maïs, rafraîchir les pêchers, faire fleurir les pommiers. Sur les berges, les fourrés s’emplissaient de la rumeur des nids. L’eau jaillissait sur la roue à aube, et à l’intérieur les meules, en cadence, écrasaient le grain.
Ti Januário était le meunier. Un homme étrange, qui parlait peu, renfermé, semblant toujours ne pas être content de lui-même ni des autres. Il ne s’entendait pas trop avec ses voisins et recherchait encore moins de la compagnie à la taverne. Il faisait son travail, amassait son salaire de meunier, et voilà tout. Mais il n’était pas rejeté, ni indésirable – il était bizarre. A part ça, respecté et respectueux.
Il vivait seul et on ne lui connaissait pas de famille. Un jour d’été, en pleine saison de mouture, il arrêta la roue, ferma la porte, et disparut. Pendant une semaine. Il revint accompagné, il amenait une femme avec lui. Alors, ce fut la grande nouveauté des derniers temps dans la Combe du Démon. Tout le monde voulait la voir et savoir d’où elle venait. Mais lui, s’il parlait peu avant, parlait encore moins. Et jamais personne ne sut où il était allé la chercher, d’où il l’avait amenée. Il était inévitable qu’on la voie : il fallait bien que la femme se montre, vaque à ses occupations, bien que, dans les premiers temps, elle ait tenté de se cacher, d’esquiver les regards curieux.
Le meunier avait toujours eu l’air plus âgé qu’il n’était, et elle, Virgolina (c’était ainsi qu’elle s’appelait) paraissait plus jeune qu’elle n’était en réalité. Au début, on aurait dit qu’elle était réservée mais, au milieu de cette réserve, apparaissait fréquemment une désinvolture déconcertante. Ensuite, cette désinvolture devint prédominante, bien que révélant, en même temps, une surprenante timidité.
Virgolina n’était pas laide, mais on ne pouvait pas non plus dire qu’elle était jolie femme. Elle avait quelque chose de très féminin, un halo de femelle qui, au moment où on s’y attendait le moins, jaillissait d’elle. Et mettait mal à l’aise – bien que pour des raisons différentes – non seulement les hommes, mais aussi les femmes.

António da Silva Carriço (Monchique) Entre o corpo e a rosa, Colibri, 2002

Revenir à la page d’accueil
analyse web stats

Rencontre

Posté : 5 juin, 2009 @ 9:23 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 14 commentaires »

 

dimiteraluamelodiosa.jpg

La lune mélodieuse (Photo Dimíter Ánguelov)

Partir en voyage au centre de son être, comme une escale sur son monde

Au lever du soleil, il sent un liquide chaud passer dans ses veines, et une pluie chaude tomber sur sa peau, ses mains glissent sur son corps. Elle n’est pas encore née.

Un flux d’idées commence à poindre; il la compose dans sa tête, elle entend la mélodie qui le pénètre au rythme de ses pensées. Il se met au piano, bouge ses doigts encore hésitants, revient au point de départ; reprend. Toute la matinée. Il fait une pose et s’envelope dans sa pensée, et se drappe dans la voix de son être. Et elle l’entend de l’intérieur, et ses pensées la touchent. Il écrit les sons : les notes s’entrelacent. Une pause… Soupir… Silence…

Ensuite vient la circulation des paroles, c’est tout un flot qui l’envahit. Interligne entre les mots accord au point final… Suspension… encore un silence…

Et la musique pénètre de nouveau sa tête. Elle est bouleversée.

A travers son regard, il y a cette vision des couleurs diluées sous l’ombre de ses verres diaprés. Il s’avance jusqu’à sa voix qui vibre sous ses pas. Atteindre son coeur vocal, sensible et frémissant, descendre jusqu’à l’extrémité de ses doigts, qui bougent au rythme de sa voix. Chantée pour la première fois.

Fátima Leitão, L’amour d’une chanson

Pedro Abrunhosa, Tempo (Paroles de la chanson en français)

Revenir à la page d’accueil

Eh oui !

Posté : 4 juin, 2009 @ 3:28 dans - époque contemporaine, littérature et culture, musique et chansons | Pas de commentaires »

Image de prévisualisation YouTube 

GROUPE  CLÃ (POIS É)

 

 

 

Effet papillon

Posté : 2 juin, 2009 @ 9:30 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

terramoto.jpg

Le tremblement de terre de Lisbonne de 1755 (http://bitlogger.blogspot.com)

Mon histoire est faite d’impatience. Je n’ai même pas envie de la raconter. Cela m’énerve. Ne m’interrompez pas. Ce n’est pas ce que vous pensez. Ne soyez pas plus impatient que moi. Pourquoi ce regard agité, cette expression tendue ? Du calme ! Pas de précipitation. Cela m’ennuie de toujours voir les gens pressés, impatients de faire quelque chose, d’avancer, même en direction d’un précipice. Ne tirez pas de conclusions. Ne levez pas les sourcils – il y a dans tout cela de la logique et de la cohérence. Je n’ai jamais compris pourquoi les gens sont étonnés, stupéfaits, enthousiasmés par des choses qu’ils n’ont pas encore comprises, qu’ils n’ont même pas aperçues.
Bien que, de mon point de vue, je le comprenne parfaitement. Est-ce que je me fais comprendre ? Arrêtez de tambouriner, cela me tire en arrière, au-delà du commencement de n’importe quelle histoire. A présent vous avez arrêté pour de bon. Vous savez ce que cela signifie après que cet abîme auquel j’ai fait référence s’est réveillé ? Cela signifie, et remarquez bien, si tant est que vous puissiez remarquer une chose aussi subtile : vous, en arrêtant de tambouriner, comme ça, subitement, vous avez percé le fond de cet abîme. Vous avez fait un trou mille fois plus petit que le cheveu d’un nouveau-né – il est plus profond que l’infini. Ne faites pas ce geste pour aplanir l’infini. L’infini n’est pas horizontal. C’est une erreur millénaire, que dis-je ! – primordiale. Si vous pouviez l’imaginer, parce que le sentir, vous n’en seriez pas capable. A la vitesse à laquelle ma pensée se précipite dans ce trou, votre cœur éclaterait et se désintègrerait en une très fine poussière. Et si je pouvais voir cette poussière je serais même capable d’écrire un poème, bien que je ne sois pas poète. Mais laissez-moi retrouver mon équilibre dans ce cadre effrayant, dans ce vertige qui est tellement petit qu’il ne pénètre aucune des cellules de mon cerveau. C’est une petitesse qui ne permet à rien d’adhérer, c’est quelque chose qui rejette toutes les formes, de façon liminaire, qui se refuse à les abriter ne serait-ce qu’un instant. Suivez mon raisonnement. Ne vous impatientez pas. Vous avez la tête de quelqu’un qui a été changé en pierre. Je n’en suis pas encore arrivé au point culminant de l’histoire. Ne perdez pas courage !Et j’ai ri très fort et je lui ai tapé sur l’épaule pour l’encourager. Non ! Ce n’est pas possible ! C’est une sculpture de plâtre, d’un artiste américain, assise sur un banc, à côté de moi, qui lit le journal. Je sens que ce coup inoffensif a provoqué une fissure invisible dans le plâtre, dans le banc, dans le jardin public, dans l’écorce terrestre, et a mis le magma en colère. Et le tremblement de terre ne devrait plus tarder. Sauve qui peut !

 

Dimíter Ánguelov, Trinta contos até ao fim da vida &etc, 1998.

Revenir à la page d’accueil
analyse fréquentation web

12