persécution
Ces gens ne sont pas toujours avec moi. A un moment donné on branche quelques détecteurs d’intrusion de plus et l’alarme spatiale ; c’est le moment pour les trois autres de disparaître à l’extérieur. Je suis alors surveillé non seulement par les cinq caméras vidéo normales contrôlées quelque part par des gardes professionnels, mais aussi ces détecteurs d’intrusion supplémentaires qui enserrent tout l’étage dans un anneau de vigilance sans faille. Si j’osais m’aventurer vers le centre du laboratoire quand il n’y a personne, pour farfouiller, les caméras vidéo me repéreraient mieux que l’infirmière, en un clin d’oeil. Je patiente, donc, piano. Même l’acte de boire la liqueur du soir est contrôlé par l’oeil de verre de la caméra, puisque l’infirmière ne passe pas la soirée ici ; si je ne le fais pas au moment voulu, je suis prévenu, par un haut-parleur, des pénalisations auxquelles je devrais me soumettre le lendemain, parmi lesquelles on trouve la suppression d’un repas et à présent la privation temporaire d’écriture. Je rectifie immédiatement ma négligence, j’adore manger, j’adore écrire, au diable le chromoborre et ses effets primaires et secondaires ! La voix du haut-parleur cesse aussitôt de me tourmenter. Je pense que je fais l’objet d’une surveillance électronique nocturne, du genre de celles qui voient dans le noir, l’autre jour j’ai mis le système à l’épreuve par inadvertance, j’ai mis le pied sur la limite à ne pas dépasser, dans la pénombre, cinq menaces me sont aussitôt tombées dessus via le haut-parleur ; il ne manquait plus que ça, elles sont affreuses, ces sentinelles sonores de la nuit.
Júlio Conrado, Desaparecido no Salon du Livre, Bertrand, 2001
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