poème disparu
alif
Quand je raconte un mensonge,
est-ce que je ne restaure pas une vérité ancienne ?
Schéhérazade, la véritable
L’Age de l’ignorance – ainsi nomme-t-on, dans l’histoire des Arabes, l’ère qui prit fin avec l’avènement de l’islamisme – fut une époque d’hommes qui parvenaient à être plus nobles que les chevaux et de juments jalouses de la beauté des femmes. Ce fut aussi l’âge d’or des poètes du désert, qui élevèrent la poésie à des hauteurs jamais atteintes dans aucune langue, en aucun siècle.
Toutefois, preuve du goût raffiné d’alors, seuls sept des poèmes composés à cette époque furent inscrits sur de grandes peaux de chamelles et méritèrent d’être accrochés à la grande Pierre Noire qui existe encore à La Mecque. Ils y restèrent suspendus jusqu’à s’éterniser dans la mémoire des Bédouins.
Allant à Beyrouth, voilà quelques années, j’ai pris avec moi la version d’un huitième poème qui – je le maintiens – figure certainement parmi les pendentifs de la grande Pierre Noire. La tradition non canonique le dénomme Qafiya al-Qaf, titre qui peur se traduire par « poème dont la rime est la lettre Qaf, qui traite de la montagne appelée Qaf. » Un jeu de mots, comme on le voit.
Des professeurs, des érudits, des intellectuels, qui eurent le privilège de lire cette oeuvre, affirmèrent n’avoir jamais eu connaissance du poème et ignorer totalement aussi bien l’intrigue que les personnages.
[...]
La principale objection de ces savants, maîtres de prestigieuses universités du Caire et de Beyrouth, était qu’il n’y avait pas de manuscrits connus pour confirmer mon travail et que je n’étais pas en mesure d’en donner les sources.
Je fus ainsi contraint de révéler qu’il n’y avait pas de sources, si la notion de s’applique qu’à la matière écrite, et que c’était mon grand-père Nagib – quand il se prit de passion pour ma grand-mère Mari, s’enfuit de la maison et embarqua clandestinement pour le Brésil – qui apporta, outre un bagage seulement constitué de livres, une partie des vers de la Qafiya al-Qaf, qu’il savait par coeur.
L’essence du poème, je l’ai apprise avec mon grand-père. Le reste, tout ce qui faisait lacune dans la mémoire du vieux Nagib, je l’ai récupéré de légendes recueillies lors de mes pérégrinations au Moyen-Orient, et de toutes sorte de données historiques éparses que j’ai été en mesure de compiler.
Alberto Mussa, L’énigme de Qaf, traduction de Pierre Rivas (publié dans la revue Europe, n° 919-920 consacré à la Littérature du Brésil, http://www.europe-revue.info/)
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