Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour juillet, 2009

Solitude

Posté : 12 juillet, 2009 @ 8:17 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | 14 commentaires »

solidao.jpg

J’irai frapper à sa porte; et si elle n’ouvre pas,
je répèterai l’abécédaire de ses mains, laissant
en chacun de ses doigts la couleur des voyelles que
ses lèvres m’ont enseignées.
Je lui parlerai à l’oreille ; et si elle n’entend pas
je ferai en sorte que ce secret s’écoule sur ses
épaules, comme la larme obscure de la lune
qui illumine son visage.
Je lui montrerai le chemin ; et si elle ne le voit pas,
je le ferai tout seul, entendant ses pas derrière
moi, comme si elle me suivait, en se guidant
aux voyelles que nous répandons par les champs.

Nuno Judice, poème , de A à Z

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Personne ne s’imagine

Posté : 8 juillet, 2009 @ 9:18 dans musique et chansons, Poesie | 4 commentaires »

 

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Lenine à la Cité de La Musique à Paris avec Yusa et Ramiro Musotto

Ninguém Faz Idéia
Composition Lenine/Ivan Santos

Malucos e donas de casa
Vocês aí na porta do bar
os cães sem dono, os boiadeiros
as putas Babalorixás

Os genios, os caminhoneiros
Os sem terra e sem teto, atores, maestros, djs
os Undergrounds, os megastars, os rolling stones e o rei

ninguém faz idéia de quem vem lá, de quem vem lá, de quem vem lá,
ninguém faz idéia de quem vem lá,

Ciganas e neo – nazistas, o bruxo, o mago pajé
os escritores de science fiction
quem diz e quem nega o que é
Os que fazem greve de fome
Bandidos, cientistas do espaço
os prêmios nobel da paz
o Dalai Lama, o Mister Bean, burros, Intelectuais

Eu pensei: ninguém faz idéia de quem vem lá, de quem vem lá, de quem vem lá,
ninguém faz idéia de quem vem lá,

Os líderes de última hora
os que são a bola da vez
os encanados, divertidos
os tais que traficam bebês
o que bebe e passa da conta
os do cyber espaço, a capa do mês da playboy
o novo membro da academia
e o mito que se auto destroi

Eu sei: ninguém faz idéia de quem vem lá, de quem vem lá, de quem vem lá,
ninguém faz idéia de quem vem lá,

Os duros, os desclassificados, a vanguarda e quem fica pra traz
Os dorme sujos, os emergentes, os espiões industriais
os que catam restos de feira, milicos piratas da rede, crianças excepcionais Os exilados, os executivos, os clones e os originais

É a lei ninguém faz idéia de quem vem lá, de quem vem lá, de quem vem lá,
ninguém faz idéia de quem vem lá, …

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poème disparu

Posté : 8 juillet, 2009 @ 9:01 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 6 commentaires »

alif4.jpg

alif

Quand je raconte un mensonge,
est-ce que je ne restaure pas une vérité ancienne ?
Schéhérazade, la véritable

L’Age de l’ignorance – ainsi nomme-t-on, dans l’histoire des Arabes, l’ère qui prit fin avec l’avènement de l’islamisme – fut une époque d’hommes qui parvenaient à être plus nobles que les chevaux et de juments jalouses de la beauté des femmes. Ce fut aussi l’âge d’or des poètes du désert, qui élevèrent la poésie à des hauteurs jamais atteintes dans aucune langue, en aucun siècle.
Toutefois, preuve du goût raffiné d’alors, seuls sept des poèmes composés à cette époque furent inscrits sur de grandes peaux de chamelles et méritèrent d’être accrochés à la grande Pierre Noire qui existe encore à La Mecque. Ils y restèrent suspendus jusqu’à s’éterniser dans la mémoire des Bédouins.
Allant à Beyrouth, voilà quelques années, j’ai pris avec moi la version d’un huitième poème qui – je le maintiens – figure certainement parmi les pendentifs de la grande Pierre Noire. La tradition non canonique le dénomme Qafiya al-Qaf, titre qui peur se traduire par « poème dont la rime est la lettre Qaf, qui traite de la montagne appelée Qaf. » Un jeu de mots, comme on le voit.
Des professeurs, des érudits, des intellectuels, qui eurent le privilège de lire cette oeuvre, affirmèrent n’avoir jamais eu connaissance du poème et ignorer totalement aussi bien l’intrigue que les personnages.
[...]
La principale objection de ces savants, maîtres de prestigieuses universités du Caire et de Beyrouth, était qu’il n’y avait pas de manuscrits connus pour confirmer mon travail et que je n’étais pas en mesure d’en donner les sources.
Je fus ainsi contraint de révéler qu’il n’y avait pas de sources, si la notion de s’applique qu’à la matière écrite, et que c’était mon grand-père Nagib – quand il se prit de passion pour ma grand-mère Mari, s’enfuit de la maison et embarqua clandestinement pour le Brésil – qui apporta, outre un bagage seulement constitué de livres, une partie des vers de la Qafiya al-Qaf, qu’il savait par coeur.
L’essence du poème, je l’ai apprise avec mon grand-père. Le reste, tout ce qui faisait lacune dans la mémoire du vieux Nagib, je l’ai récupéré de légendes recueillies lors de mes pérégrinations au Moyen-Orient, et de toutes sorte de données historiques éparses que j’ai été en mesure de compiler.

Alberto Mussa, L’énigme de Qaf, traduction de Pierre Rivas (publié dans la revue Europe, n° 919-920 consacré à la Littérature du Brésil, http://www.europe-revue.info/)

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Peut-être

Posté : 7 juillet, 2009 @ 9:36 dans musique et chansons, Poesie | Pas de commentaires »

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Pedro Abrunhosa, Será

Peut-être qu’il me reste du temps avec toi,
ou que déjà t’emmènent les balles d’un ennemi.
Peut-être que j’ai su te donner tout ce que tu voulais,
ou que je me suis laissé mourir lentement, dans la mort lente du temps.
Peut-être que j’ai fait tout ce que je pouvais faire,
ou que j’ai été un lâche de plus, qui n’a pas voulu voir souffrir.
Peut-être que loin là-bas le ciel est encore bleu,
ou que le noir de cendre confond Nord et Sud.
Peut-être que ta peau est encore douce,
ou c’est ma main qui tremble, sans ardeur ni magie.
Peut-être que tu peux encore m’apprécier,
ou que déjà la nuit dévoile la douleur que cache le plaisir.
Peut-être que ce feu est de la fièvre,
ce cri cruel qui fait un loup du lièvre.
Peut-être que demain j’existerai pour toi,
ou qu’en croisant tes yeux je t’ai embrassée à en mourir.
Peut-être que dehors les voitures passent encore,
ou que les étoiles sont tombées et que la chance est bienvenue.
Peut-être que la ville est toujours comme avant
ou que des fantômes chantent et que des géants dansent.
Peut-être que le soleil se couche du côté de la mer,
ou que la lumière qui s’accroche à moi est l’ombre du clair de lune.
Peut-être que les maisons et que les pierres du sol chantent,
ou que la montagne s’est tue, que le volcan s’est rendu.

Peut-être que tu sais qu’aujourd’hui c’est dimanche,
ou que les jours ne passent pas, qu’ils sont des anges déchus.
Peut-être que tu parviens à m’entendre
ou c’est du temps que tu demandes quand tu essaies de sourire.
Peut-être que tu sais que je te porte dans ma voix,
que ton monde est mon monde et qu’il est fait pour nous.
Peut-être que tu te souviens de la couleur de mon regard
lorsque pour nous deux la nuit ne veut pas finir.
Peut-être que tu sens cette main qui s’agrippe à toi
qui te prend avec la force de la mer contre la barre.
Peut-être que tu arrives à m’entendre dire
que je t’aime autant que n’importe quel jour.

Je sais que tu seras toujours pour moi
Il n’y a ni nuit sans jour, ni jour sans fin.
Je sais que tu me veux, et que tu m’aimes aussi
que tu me désires comme jamais personne.
Alors ne t’en va pas, ne me laisse pas seul
Je vais baiser le sol sous tes pas et pleurer le chemin.
Peut-être,
Peut-être,

Peut-être!

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persécution

Posté : 4 juillet, 2009 @ 9:31 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

 

cameradesurveillance.jpg

Ces gens ne sont pas toujours avec moi. A un moment donné on branche quelques détecteurs d’intrusion de plus et l’alarme spatiale ; c’est le moment pour les trois autres de disparaître à l’extérieur. Je suis alors surveillé non seulement par les cinq caméras vidéo normales contrôlées quelque part par des gardes professionnels, mais aussi ces détecteurs d’intrusion supplémentaires qui enserrent tout l’étage dans un anneau de vigilance sans faille. Si j’osais m’aventurer vers le centre du laboratoire quand il n’y a personne, pour farfouiller, les caméras vidéo me repéreraient mieux que l’infirmière, en un clin d’oeil. Je patiente, donc, piano. Même l’acte de boire la liqueur du soir est contrôlé par l’oeil de verre de la caméra, puisque l’infirmière ne passe pas la soirée ici ; si je ne le fais pas au moment voulu, je suis prévenu, par un haut-parleur, des pénalisations auxquelles je devrais me soumettre le lendemain, parmi lesquelles on trouve la suppression d’un repas et à présent la privation temporaire d’écriture. Je rectifie immédiatement ma négligence, j’adore manger, j’adore écrire, au diable le chromoborre et ses effets primaires et secondaires ! La voix du haut-parleur cesse aussitôt de me tourmenter. Je pense que je fais l’objet d’une surveillance électronique nocturne, du genre de celles qui voient dans le noir, l’autre jour j’ai mis le système à l’épreuve par inadvertance, j’ai mis le pied sur la limite à ne pas dépasser, dans la pénombre, cinq menaces me sont aussitôt tombées dessus via le haut-parleur ; il ne manquait plus que ça, elles sont affreuses, ces sentinelles sonores de la nuit.

Júlio Conrado, Desaparecido no Salon du Livre, Bertrand, 2001

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Génie civil

Posté : 2 juillet, 2009 @ 9:28 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

autocarro.jpg

(Association Loja dos sonhos, Evora)

Un jour je me suis aperçu qu’il ne me venait des histoires à l’esprit que lorsque je voyageais dans les transports publics, c’est à dire quand j’étais dans des conditions précaires, tout en perdant beaucoup parce que ce qui suscitait mon intérêt était la même chose que ce qui me distrayait et rendait mon écriture irrégulière, fragmentée et illisible. Je fis alors le projet d’un voyage transatlantique. Tout se passa très bien jusqu’au moment où je pensai que je devais réveiller mon inspiration et me jeter à l’eau. Mais la seule chose qui me venait à l’esprit, une image immuable, était celle où je me voyais dans un autocar dans les rues de Lisbonne, essayant d’écrire une histoire sans tomber ni me laisser distraire par la vue de quelqu’un qui avait déjà perdu l’équilibre. Devant cette obsession massive je décidai de faire une description détaillée de l’autocar en pièces détachées, y compris celles qui avaient déjà disparu, jusqu’à la plus petite pièce du moteur que je pensais pouvoir imaginer. A mon retour j’avais déjà près de six cents pages et la rédaction finale, en pratique, ne dura pas plus que le temps d’un voyage régional. Quinze jours après la remise du manuscrit on me communiqua que la maison d’édition, conformément aux prérogatives du contrat, l’avait vendu à la General Motors et que d’ici un mois je recevrais les 8% d’un tirage symbolique de dix mille exemplaires. On ajoutait que mon nom serait mentionné, à côté de celui de la maison d’édition, sur le brevet de « l’autocar du futur », pour l’invention duquel on me félicitait, en formant des vœux pour de nouveaux succès dans le domaine de la fiction. J’éprouvai un sentiment mitigé, car, si mon œuvre n’avait pas été appréciée comme telle, du moins avais-je été reconnu en tant qu’inventeur, bien que je ne sois pas l’unique détenteur du brevet. Et comme une maison d’édition, malgré son mérite avéré et son prestige, ne pouvait être qualifiée de géniale, c’était à moi que revenait cet adjectif, ce qui me plaçait en tête de la liste des innombrables inventeurs nationaux, dont la plupart n’étaient pas reconnus dans le pays.

 

 

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Déclaration

Posté : 1 juillet, 2009 @ 9:10 dans - XIXème siècle, littérature et culture, Poesie | 7 commentaires »

alm.garrett.jpg

Almeida Garrett

Je ne t’aime pas, je te veux : l’amour vient de l’âme.
Et dans mon âme … c’est le calme,

Le calme … du tombeau.

Ah ! je ne t’aime pas, non.

 Je ne t'aime pas, je te veux : l'amour, c'est la vie.
Et la vie ... même pas sentie
Je la porte avec moi.
Ah ! je ne t'aime pas, non.
 *
Ah ! je ne t'aime pas, non ; et je te veux
D'un désir brutal et sauvage
Qui me dévore le sang,
Sans parvenir au coeur.
 *
Je ne t'aime pas. Tu es belle; et je ne t'aime pas, ô belle.
Qui aime l'étoile funeste
Qui l'appelle à l'heure mauvaise
De sa perdition ?
 *
Et je te veux, je ne t'aime pas, elle est forcée,
Par un sort habile et mauvais
Cette indigne fureur.
Mais oh ! Je ne t'aime pas, non.
*
Et je suis infâme, parce que je te veux; et j'ai
Tant d'épouvante pour moi-même
Et pour toi de peur et d'horreur...
Mais aimer !... Non, je ne t'aime pas, non.

 

 

Almeida Garrett (1799-1854),  Folhas Caídas, 1853 

 

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