Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

ennui

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 15 octobre, 2009 @ 7:03

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Il but encore du vin, la ville semblait désespérément lointaine, la chaleur dressait un mur d’air tremblant qui le paralysait, l’été la ville se vidait, restaient les mouches, des myriades de mouches bourdonnantes qui volaient au-dessus du goudron ramolli, il vida son verre, les fraîches gouttelettes qui restaient sur la paroi étaient jolies, il les laissa s’écouler sur ses mains, fit tourner le glaçon qui battit contre la paroi de gouttes, une paroi d’eau, alluma une cigarette, regarda sa montre, il partirait à sept heures, la chaleur qui montait aussi dans le ciel distordait l’horizon, la ville était si loin, deux chiens avaient cherché la fraîcheur de la terrasse pour poser leurs langues rose bonbon, les langues des chiens étalées sur la terrasse étaient bien lisses, de la pâte de fraise, une sucrerie pour les enfants, il lui faudrait longtemps pour arriver en ville, le ciel était si bleu, le ciel de la ville serait-il aussi bleu ? Si oui, les vieux en profiteraient pour ouvrir en grand les fenêtres, ils poseraient leurs bras desséchés sur les appuis, les clochards se coucheraient au soleil, si le ciel était aussi bleu la ville devenait plus dangereuse, la beauté est un bon prétexte pour devenir fou, le péché de beauté, l’été la ville est vide, la solitude est un bon prétexte pour devenir fou, le péché de solitude, l’été la ville appartient aux clochards et aux vieux, à ceux qui sont obligés de rester, à ceux qui ne peuvent pas partir, devenus tous frères dans le ventre infini de grosseur et de secret, avec la chaleur il y a toujours quelqu’un qui tue pour des raisons extérieures à sa volonté, la chaleur fait bouillir le sang qui une fois versé devient rapidement poussière, une poussière qui s’imprègne vite dans la chaussée, la beauté et la solitude sont de bons prétextes pour devenir fou, elles l’ont toujours été, il pensait à ça et restait assis en attendant de s’en aller, quand on n’a nulle part où aller on passe son temps à attendre l’envie de partir, on le passe, simplement.

Dulce Maria Cardoso, Coeurs arrachés, Phébus, 2003

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