la menace
Monsaraz, la maison de Luis et iria de Castro
Frère Gil dit :
- Tout à l’heure, dona iria, les hommes parlaient chez salamanque quand je les ai quittés, et voyez-vous, pour la première fois depuis le mois de mars ce n’étaient pas des voix isolées qui s’élevaient contre les heures et le temps des marchands. Ces voix dispersées commencent à former un groupe, et elles parviennent à opposer à la plupart de ceux qui appuient votre frère des paroles, des arguments et des actes en tant que groupe. Vous auriez aimé voir cela…
Mais dona iria s’éloignait par la mémoire et par la vue, regardant la rue par la fenêtre. Sur elle planait l’ombre isolée de son secret, que personne ne partageait et qui était loin de tout, que personne d’autre qu’elle – c’est ce qu’elle croyait – ne connaissait. Elle oubliait que dans les petites villes les murs comme les pierres ont des oreilles. Je peux vous le dire à présent, je dois vous le dire, du reste, que le secret qu’elle détenait n’était plus seulement le sien. Il planait dans certaines âmes, bien qu’encore incertain, encore seulement soupçonné et manquant de certaine confirmation et d’un témoignage correct.
Oui, vous le soupçonnez sans doute déjà. De loin arrivaient les mâtins flairant l’odeur, et une fois l’odeur détectée la victime serait trouvée. Elle le sentait. Elle le sentait dans ses os dont la mémoire ne la trahissait pas. Elle le sentait et disait…
« Ils ont commencé. »
… sans que personne ne la comprenne.
La connaissance de ces gens est faite d’ombre. Regardez dona iria. Elle avait compris dès le début – et elle avait été la seule à le craindre plus qu’à le comprendre – que le différend à propos de l’horloge, en soulevant des envies, des intrigues, des discordes et des inimitiés – remuerait des souvenirs lointains, et pourrait, comme cela avait été le cas, mettre en danger la tranquillité de son secret. C’est pourquoi depuis le début elle avait considéré cette horloge comme une mauvaise chose, non pour la ville, mais pour elle-même, pour son frère et pour d’autres qui pourraient être entraînés dans la tourmente, comme frère Gil.
Son secret… L’antique secret qu’elle croyait ne partager qu’avec la mémoire de ceux qui étaient morts et ne la visitaient qu’à l’abri de ses rêves.
Quant à frère Gil, les paroles du vieux forgeron avaient éveillé sa conscience à ce qu’il ignorait de dona iria et de cet antique secret. Mais ce que le prêtre savait, dona iria l’ignorait.
Enfin, ce que le saint-office savait, ils l’ignoraient tous les deux.
Il existe en ce monde plus de suppositions que de certitudes. Et souvent c’est davantage sur les premières que sur les secondes que se basent les décisions des hommes.