Revendication
Gil Vicente, 1465- 1536
Juliana:
Je ne sais pour quelle raison
et nos mères et nos pères
nous proposent pareils maris
si peu de notre goût
que le diable ne le serait.
Leurs têtes paraissent monts,
leurs cheveux par les vers mangés
le teint tel écorce de chêne,
peignés une fois l’an
et en livrée de pire espèce :
réjouissez-vous avec de tels maris !
Ilaria:
Et le mien pour ses péchés
louche comme jamais n’ai vu,
les deux yeux en meurtrières ;
si tu lui parles ou chose ainsi
tu ne sauras s’il te regarde
ou s’il regarde en haut des toits.
João:
Vous êtes, ma foi, d’une engeance
de fort curieux appétit !
Voyez un peu comme il en est,
à ramer comme en galère
et à vouloir bon vent en poupe !
Mariez-vous, crénom, de bon sens
et jetez au diable le sentiment,
car tout cela n’a qu’un temps
et quiconque se marie en raison
trouve sagesse en son foyer.
Gil Vicente, Romagem d’Agravados, première représentation 1533, (traduit par Bernard Emery)