Crises
Mine de Aljustrel
5200, 5206, le compteur avance péniblement à l’intérieur de ce que ressent le père, même les yeux posés sur la blanche tranquillité du mur le père ne s’éloigne pas des entrailles de la terre, 5375, le désir d’atteindre le ciel est une folie, le désir de faire l’expérience de la terre est le devoir des mortels, c’est ce que le père a toujours dit au fils, aux mineurs, aux femmes des mineurs qui sont venues rejoindre leurs maris, aux enfants qui naissaient ensuite à la mine, à tous le père avait souvent raconté comme la terre avait été blessée, personne ne connaît la terre comme le père, pour vaincre la terre il était venu des hommes de partout, même des endroits les plus lointains, la terre s’était laissée vaincre pour recevoir les corps de ceux qui l’éventraient, tout ça le père est capable de le raconter sans repentir, l’indifférence avec laquelle il raconte comment sont inutiles les respirateurs que les hommes ont faits, ou les canaris que les mineurs emportent pour les prévenir que l’air est empoisonné, des manières traîtresses que la terre a d’exhaler, les mineurs emportent des canaris qui leur chantent la lumière du dehors mais qui les alertent toujours trop tard, les mineurs savent qu’ils n’ont déjà plus le temps de se sauver quand les petits corps des canaris se recroquevillent dans les cages, c’est ainsi que dans la mort des canaris les mineurs assistent à l’imminence de leur propre mort, 6468, des crises, le ventre du père lui fait mal comme s’il avait reçu un coup de sabot, le battement du cœur violemment désordonné, l’air lui écorche les narines, le brûle à l’endroit que le père pense être les poumons, 6658, 6664, 6670, 6676, les crises durent de plus en plus longtemps, 6718,