exactitude
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C’était cette exactitude qui l’excitait, cette exactitude bien définie par des limites inaltérables mais qui, pourtant, réservait encore un espace pour ses étranges décisions, qui n’étaient pas à dire vrai des décisions. Lui, comme tous les autres, acceptait ce que les dés lui donnaient. Il acceptait les décisions des dés. La grande décision qui existait dans le jeu, dans ce jeu, était en fin de compte cette décision profonde et forte qui consiste à décider qu’on accepte, à décider qu’on est prêt à la soumission absolue, à la non-interférence dans le déroulement des événements. On s’acceptait comme extérieur aux événements et on lançait les dés. [...]
Car il était évident que les dés eux-mêmes se montraient plus forts que les joueurs. Ces hommes étaient habitués à obéir pendant la semaine, et le samedi, bizarrement, ils entraient dans un autre système d’obéissance : la chance, la malchance.
Comme ce serait différent s’il se divertissait avec un jeu d’adresse, où l’habileté individuelle détermine la victoire ou la défaite. Un tir à la carabine, par exemple, comme ceux qu’on trouvait à la petite foire de la ville. Nombreux étaient les hommes, et parmi eux certains de leurs collègues de travail, qui allaient le samedi soir à cette foire où ils montraient l’intelligence et l’adresse de leurs muscles ; faits dont plus tard, la semaine suivante, ils s’enorgueillissaient.
Mais comment un homme pourrait-il s’enorgueillir de sa chance ? Comment pourrait-il s’enorgueillir d’une apparition (chaque tache de points qui surgissait tournée vers le haut apparaissait pratiquement par surprise) ; malgré le nombre d’hypothèses limité, chaque fois que le dé s’arrêtait il y avait des exclamations de stupeur de la part des joueurs.
Ces cinq hommes se trouvaient, par conséquent, devant des apparitions, des apparitions de la chance et de la malchance, de chiffres plus petits ou plus grands. Des apparitions, des choses qui surgissaient dans le monde sans causes, des choses indépendantes de l’univers parce qu’elles étaient de purs effets, sans que rien ne les précède, sans logique, sans loi : les joueurs lançaient les dés sur la table et les résultats apparaissaient. Comme des fantômes, dit une fois Joseph Walser.
Gonçalo M. Tavares, A máquina de Joseph Walser, Caminho, 2004
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Pourriez -vous m’aider à corriger mes expressions écrites?
http://myhuongs.unblog.fr
Eh bien, dans la mesure ou je dispose du temps suffisant, je veux bien essayer, mais j’ai beaucoup de chose à faire en ce moment !