Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour le 13 janvier, 2010

Tomás Martins

Posté : 13 janvier, 2010 @ 8:00 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Si vous entriez dans l‘église de Monsaraz, celle qui contient l’oracle de notre dame de la lagune, vous verriez dans une des nefs latérales le tombeau de tomás martins ; ce tomás martins était le favori de dame béatrice, qui fut la dame du roi alphonse, troisième du nom. Et ce fut ce tomás martins qui, en ce temps-là – plus de trois cents ans avant celui d’où je vous parle – amena dans les environs de la ville de nouveaux habitants, et fit venir dans nos murs une population – lasse et fatiguée des guerres de frontières et des luttes entre ledit seigneur roi et son frère, le roi sanche, deuxième du nom – plus nombreuse que celle qui y vivait auparavant.
Mais – c’est ainsi qu’est l’ingratitude des hommes et la faiblesse de la mémoire – si ce dit tomás martins avait fait plus encore, on l’aurait oublié avec autant de célérité. Peut-être parce qu’il en était conscient, et qu’il voulait laisser de son passage dans ce monde un digne témoignage, ledit favori ordonna que son corps fût enfermé dans le tombeau devant lequel vous vous imaginerez maintenant. En l’observant, vous verrez le gisant de pierre du chevalier couché dessus, la tête sur un coussin et son épée collée au côté. Taillés dans la pierre, les vêtements qui le couvrent se plissent, même si tous les vents du monde ne parviendraient pas à en soulever un seul pouce. Regardez à présent ce que la main des maîtres maçons a sculpté à côté du tombeau. Sur le côté le plus long, vous verrez quatorze hommes et trois enfants qui se tiennent devant vous, deux d’entre eux tenant les tables de la loi ; un autre tient un blason avec trois clefs en pale. Mais tous ceux-ci importent peu, car ce que je veux que vous voyiez est ce qui est sculpté sur le plus petit côté du tombeau, aux pieds. Ici, en aiguisant votre regard, vous verrez un cavalier à cheval avec son chien qui le suit ; et de ses mains s’envole un faucon. Gardez cette image du faucon sortant de la main gantée du cavalier, car, si vous le faites, ma mission sera alors accomplie et le tombeau de tomás martins, le favori oublié, aura eu une utilité insoupçonnée.

Sérgio Luís de Carvalho, As horas de Monsaraz, Campo das letras, 1997

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